Comme chaque année, en août c’est Utopie Sonore. Et cette année, truc de fou, on s’est lancés le défi de faire 48 heures de radio non stop. C’était drôle, passionnant, épuisant, émouvant… Avec Théo du cri de la girafe, on s’est défoncés, en s’impliquant sur tous les aspects avec nos camarades : installation des lieux, mise en place du plateau, du streaming en direct, organisation des émissions, animations, etc.
Évidemment, il fallait finir de mettre ça en réécoute. Grâce aux radios FM qui ont rediffusé l’émission (merci à Radio Campus Clermont et à Canal Sud), on a rassemblé la quasi-totalité des 48 heures. Après un travail acharné d’Anaïs, on a pu retrouver en ligne les principaux moments de ce flux.
Et puis on a préparé l’outil qui permet la réécoute : un lecteur en ligne des 48 heures, sous forme d’un site internet dynamique… Anaïs a proposé le design, et je me suis collé à la mise en œuvre : html, css, javascript. Et voilà : Ruse48, la réécoute.
En plus des petits bonus cachés ici ou là dans le flux, on peut retrouver ma voix dans différentes émissions.
La présentation de Ruse
Un petit moment d’improvisation aux grandes lignes convenues avec Anaïs, pour raconter ce qu’est Ruse48, et Utopie Sonore.
Conversation inutile : mettre ses chaussures avant ou après le manteau ?
Une performance collective issue des expérimentations de l’atelier improvisation mené par Solène.
Le coloriste
À Utopie Sonore cette année, j’ai rencontré Julien, un type très chouette au métier qui me passionne : coloriste modèle. 48 heures de radio, ça laissait largement le temps d’une interview !
Portrait de Pol’n
En arrivant à Pol’n, j’ai eu très envie de faire un portrait du lieu… Pol’n, c’est un espace dont les murs appartiennent à la ville, et où des associations et collectifs font vivre leurs projets. Un léger goût de co-working, de tiers-lieu et d’agile et de disruptif… Vous en voulez encore une louche ?
Le manifeste du CLHEE
On trouve sur le site du Collectif Lutte et Handicaps pour l’Égalité et l’Émancipation le manifeste qui porte ses valeurs. Il était tôt le matin, ma lecture n’est pas fluide, mais heureusement Fred Spoutnik offre à nos oreilles une belle improvisation à la guitare…
Émission sur le validisme
Nous étions plusieurs à nous intéresser à cette question du validisme, et nos discussions ont mené à la réalisation d’une émission où l’on explore quelques-uns des aspects du validisme, et de la remise en question de la norme en général.
Sur la voix
Quand on réunit une bande de passionné·e·s du son autour d’un plateau avec des micros, difficile de se retenir de parler de la voix…
Émission sur la fiction
La fiction est souvent considérée comme un exercice périlleux à la radio, même par les gens qui la pratiquent régulièrement. Dans cette émission, on aborde la manière de faire de la fiction, et le plaisir d’en écouter.
Impro de 4 heures du matin
Quand on fait de la radio sans interruption pendant 48 heures, en dormant à peine un heure ou deux, on en arrive vite à faire un peu n’importe quoi… Vers 4 heures du mat”, on appelle ça de l’impro !
Le caca
Un sujet qui pourrait paraître glissant, mais que Solène et les participant·e·s de ce plateau radio ont réussi à évoquer sans gêne ni maladresse. C’était la première émission où j’étais complètement à la réalisation, et j’ai aussi un peu pris le micro, pour parler de gant de toilette.
La langue
J’ai eu la chance d’échanger avec Larissa ClementBelhacel sur de son travail de la série Linguistics qu’elle est en train de réaliser.
Désordre salutaire
Anaïs au micro, Fred et jm au micro, et puis Iris à la texture sonore, puis au montage avec Anaïs, pour échanger sur l’aléatoire, le hasard, le chaos, et tout ce qui va avec.
Music-hall et audiodescription
L’audiodescription, c’est quelque chose qui me passionne. Quand Laure me propose d’échanger avec elle sur cette pratique au micro de Ruse48, sûr que je ne dis pas non.
Afin de préparer au mieux cet atelier, aux frontières entre géographie et informatique, j’ai repensé à mes lectures passées, et exploré de nouveaux titres. J’ai aussi beaucoup repensé à Gilles Malatray et à son approche de l’écoute de la ville. J’avais eu la chance de participer à une de ses promenades à l’occasion du festival [SONOR] en 2016, et je continue de le lire avec plaisir. Une manière d’investir concrètement la ville, par l’écoute et le son.
Le paysage sonore
Une des approches les plus marquantes sur la question du paysage sonore, c’est bien sûr le travail de Murray Schafer, retranscrites dans un livre récemment republié, dont j’avais parlé il y a deux ans. Ses travaux, qui s’apparentent à une démarche à la fois scientifique et artistique, s’intéressent à la question des paysages sonores, de leur dimension éphémère, évolutive, et propose quelques outils pour les étudier. J’aime particulièrement y retrouver la lecture simplifiée des notions construites par Pierre Schaeffer sur la description des sons.
Le numéro trois aborde l’espace sonore. Chacun des articles aborde une partie de l’histoire de l’appropriation de l’espace par les artistes, évidemment en sollicitant Murray Schafer, mais en parcourant aussi tout les mouvements liés aux installations, et à l’occupation de l’espace public. Très riche et complémentaire des travaux présentés dans les autres livres de cette sélection.
L’espace sonore en milieu urbain
Solène Marry est docteur en urbanisme. L’espace sonore en milieu urbain est une édition de ses travaux de thèse, aux Presses Universitaires de Rennes, que je trouve très accessibles, et qui défrichent un certain nombre de problématiques liées au vocabulaire de l’espace public, et à l’importance de la dimension sonore de ces places. Construit autour d’une série d’enquêtes, ce travail questionne notamment la place que l’on donne au sonore dans notre ressenti de l’ambiance des espaces publics. Dans ces enquêtes, on retrouve aussi beaucoup d’interrogations autour des matériaux (minéraux, végétaux) qui alimentent le ressenti de ces places. On y trouve aussi plusieurs exemples de cartes mentales sonores, ce à quoi pourraient ressembler les productions de notre atelier de novembre.
Les Cinq sens de la ville
À l’occasion de Longueur d’ondes 2017, j’avais rencontré Mylène Pardoën, qui avait présenté à mon micro son projet de reconstitution sonore du Paris du 18e siècle, pour l’émission sensation. J’ai toujours éprouvé pour son travail une grande fascination, pour sa dimension scientifique et artistique. Les cinq sens de la ville est une promenade parmi les questionnements et problématiques des historiens de la ville et des sens. Mylène Pardoën y parle ici de la musique militaire et de sa place dans la ville. Évidemment, le sonore a pleinement sa place dans ce livre, mais les autres sens sont aussi présents, qui évoquent ainsi la question de l’ambiance et de l’identité de la ville.
Politique, contrôle social, et intimité, XIXe siècle, Paris, Istambul, époque médiévale, musique dans les villes allemandes, on peut lire beaucoup dans notre perception sensorielle de la ville.
Paysages sensoriels, essai d’anthropologie
Sous-titré « essai d’anthropologie de la construction et de la perception de l’environnement sonore », cet ouvrage aux nombreux auteurs imprimé sur beau papier, et avec une très chouette couverture m’a été suggéré par Meddy Escuriet, avec qui je vais co-animer l’atelier de SAGEO. On y retrouve évidemment un chapitre au sujet du CRESSON, cette équipe de recherche de l’école d’architecture de Grenoble, dont le travail est passionnant. On parle aussi de musique (et de Schafer), mais aussi de paysage sonore alpin, de cartographie sonore, ou d’espace sculpté par le son. Je n’ai pas encore fini de le lire, mais chaque article apporte un point de vue complémentaire et passionnant sur la question, définitivement moderne !
Sous-titré « approches pluridisciplinaires », cet ouvrage édité par les Presses Universitaires de Rennes. Chaque article s’ancre définitivement dans une approche multidisciplinaire, en interrogeant le concepte de paysages sensoriels depuis les sciences humaines et sociales. Là aussi un article de Mylène Pardoën, qui y raconte son projet Bretez. On se promène aussi à Byzance, en Rome ancienne, on écoute les grèves minières du XIXe siècle…
Paysages monosensoriels et plurisensoriels, sensibilité, subjectivité, mais aussi synesthésie. De nombreuses points d’entrée pour sentir la ville…
Depuis deux ans maintenant, j’ai commencé à apprendre beaucoup sur la musique. À part la flûte au collège, et des bidouilles avec FastTraker2 sans lendemain au lycée, je n’avais jamais eu l’occasion de comprendre comment tout cela marchait.
Il y a plein de manières d’apprendre. J’ai bien sûr suivi la voie classique en lisant sur la théorie de la musique. Mais il y avait finalement dans ma pratique des portes plus évidentes.
D’une part, depuis la physique du son, on peut comprendre plein de choses sur les harmoniques, la matière même de la musique, sur la manière de fabriquer des instruments… De ces explorations, j’ai produit un document à destination des enseignant·e·s en mathématiques qui parle de son et mathématiques, et un poster qui raconte ce qu’est le son. Tout cela permet aussi de comprendre plein de choses à la mode, comme le son binaural.
Une autre porte d’entrée naturelle depuis ma pratique vers la musique est le chemin qui part de l’expression radiophonique. Là aussi, au fil de mes explorations, j’ai compris plein de choses, que j’ai tenté de retransmettre régulièrement ici : réalisation d’un conducteur dynamique, utilisation d’un enregistreur, ou encore quelques éléments d’une pièce radiophonique, qui commence à s’interroger sur la manière de construire une émission de radio avec des outils que pourrait solliciter un musicien.
Une dernière porte évidente, c’est la musique electronique. J’en écoute depuis toujours, j’aime énormément lire à ce sujet, et je me suis amusé il y a quelques étés à proposer sous forme de carte mentale interactive quelques éléments de l’histoire de cette pratique musicale. Dans ma pratique d’artisan du son pour la radio, j’ai progressivement affiné ma compréhension des outils informatiques, pour monter, mixer, mais aussi produire du son synthétique. Je racontais ces découvertes il y a quelques temps sur ce blog, en évoquant les logiciels pour le montage son sous GNU/Linux.
Bien sûr, j’ai beaucoup lu sur ces questions, et discuté avec des gens qui font, à Radio Campus Clermont, à Utopie Sonore, et dans plein d’autres endroits aussi. Mais il ne faut pas oublier la puissance des vidéos en ligne, qui permettent de découvrir plein de contenus, souvent très pédagogiques, parfois drôles, toujours enrichissants. Je voulais proposer ici une liste non exhausive des chaînes youtube qui ont marqué mon apprentissage, et le jalonnent encore.
Monter, mixer, et travailler du son en numérique
Unfa, c’est grâce à lui que j’ai identifié une grande partie des logiciels que j’utilise au quotidien pour faire du son. Dans ses vidéos, il axe principalement son propos sur la production de musique, mais les approches qu’il présente sont utilisables pour tout type de production sonore.
Voici par exemple une vidéo qui propose un aperçu des logiciels qu’ils utilise :
Au fil des mois, j’ai trouvé sur sa chaîne plein d’exemples très bien illustrés d’égalisation, de compresseurs, d’amplis, de traitements side chain. Une mine d’information, que l’on peut facilement transposer à d’autres logiciels, car Unfa explique soigneusement les choses, et pas uniquement sur l’aspect interface logiciel.
J’avais déjà écrit sur le site du cri de la girafe au sujet d’Étienne Tremblay, de la machine à mixer. J’aime beaucoup son énergie, les exemples variés qu’il propose, là aussi pour mixer/masteriser de la musique. On y trouve des choses très pointues, mais aussi des choses plus simples, comme cette vidéo sur le low cut :
Sur d’autres sujets, plus orientés vers la création vocale, on peut aussi écouter ce que fait Roomie, comme par exemple cette vidéo sur l’autotune :
Il existe plein de manières de travailler le son pour le studio. J’aime beaucoup le travail d’Andrew Huang, et la manière dont il se promène entre numérique et électronique (voir plus bas). Dans les vidéos qu’il propose, on trouve notamment ce petit défi lancé à des producteurs-youtubeurs, qui partent de la même banque de sons pour produire chacun un morceau différent :
Capter du son
Quand on devient un geek du micro et de l’enregistrement, on en arrive vite à repérer la chaîne Booth Junkie. On y apprend plein de choses sur les micros, sur la manière de traiter une cabine d’enregistrement, sur la manière de poser sa voix, d’utiliser un filtre anti-pop, … Les vidéos sont assez techniques, mais l’auteur est enthousiaste, dynamique, et je ne me lasse jamais de son travail.
Roomie (dont j’ai parlé plus haut) est un youtubeur qui raconte beaucoup de choses de sa vie de chanteur. Parmi ses vidéos orientées plus performances, il propose parfois du contenu autour de la captation du son, de la voix pour le micro :
Dans un style très différent, beaucoup plus ingénieur du son, on peut regarder la chaîne Sound speed, avec des vidéos comme cutting thru the mix, qui raconte les fréquences produites par la voix, captées par les micros, enceintes de monitoring, leur réponse, évoque la presbycousie, puis comment filtrer les fréquences pour garder la clarité d’une voix parmi un mix :
Travailler le son en électronique
Dans les chaînes présentées jusqu’à présent, on aborde plus la question du mixage par une station de travail numérique (un ordinateur, quoi). Mais il existe plein de matériel électronique pour faire de la musique : synthétiseurs (modulaires ou non), oscillateurs, équaliseurs, filtres, etc.
Pour découvrir les pratiques actuelles, j’aime bien regarder ce que fait Andrew Huang, car il s’intéresse à la fois aux pratiques historiques, mais n’hésite pas à combiner dans sa pratique des machines plus récentes, et même l’ordinateur :
Alex Ball quant à lui est un fondu des synthétiseurs et instruments analogiques anciens, qui propose des démonstrations live de ses installations. Pour en prendre plein les yeux, et plein les oreilles :
Les bidouilleurs de machines
True Cuckoo est un bidouilleur de son qui propose des vidéos sur plein de matériel, outils, délires autour du son et de la musique. J’aime son enthousiasme et sa curiosité délicate :
Si vous aimez la grosse bidouille, la soudure, les arduino et l’impression 3D, vous connaissez forcément Evan Kale. Ou alors allez voir ses vidéos, au rythme décoiffant, plein d’essais-erreurs, de tests, d’explorations, et de terribles réussites.
Il y a aussi Simon The Magpie, qui soude, casse, assemble, distord à peu près tout ce qui lui passe dans la main, en essayant d’être le moins politiquement correct.
Et si on continue d’explorer les limites de l’impossible, on tombe vite sur Look mum no computer, un grand malade qui assemble un maximum de machines qui ne sont pas des ordinateurs (ou du moins pas plus récents que des 486) pour faire du son… Qui sonne bien. Game boys, furbies, circuits maison, tout devient éléments de son énorme synthétiseur modulaire…
Comprendre et écrire la musique
Avant de s’intéresser à la manière d’écrire de la musique, il est intéressant d’avoir les clés pour écouter et comprendre la musique existante. Parmi les chaînes youtube intéressantes sur la question, je trouve le travail de pvnova super accessible aux non experts. J’aime bien par exemple sa série expérience, qui raconte comment créer un morceau de musique actuelle, en s’imposant successivement 28 styles différents. Ça permet de décortiquer soigneusement ces styles musicaux, sous une forme vraiment ludique.
Andrew Huang, dont j’ai parlé plus tôt, anime une communauté très enthousiaste. Quand il s’intéresse à la composition, ça peut donner ça :
Dans un style plus pointu, et où l’on découvre la pratique quotidienne d’une compositrice-interprète, j’aime bien regarder le travail de Nahre Sol. Plein d’idées, et de propositions d’activités, comme par exemple ces exercices simples au clavier :
Il y a aussi Ben Levin, guitariste qui en met plein les yeux et les oreilles, qui sait emmener son auditeur dans une analyse fine de la pratique. Sur sa chaîne, on trouve des choses très variées, comme par exemple ce qu’est réellement écrire une chanson :
Adam Neely est aussi quelqu’un que j’aime beaucoup écouter. Il faut ici une bonne maîtrise du solfège pour comprendre pleinement ce qu’il explore. Ce n’est pas mon cas, mais j’y trouve tout de même mon compte. Je le trouve très bon vulgarisateur, il donne une bonne intuition des problématiques de la composition et des arrangements. Ici par exemple, il présente un travail de réharmonisation d’un morceau, pour que les accords traduisent l’intention émotionnelle du texte :
Enfin, j’aime écouter David Bruce, un compositeur qui raconte sa pratique, mais propose aussi de parcourir un grand nombre de registres et de thèmes de la composition. Il parle d’orchestration, de théorie de la musique, de rythme, d’instruments… On trouve sur sa chaîne plein de choses amusantes pour les geeks de la musique, comme cette vidéo dédiée à la question de la composition avec une seule note :
Il existe encore bien sûr une foule d’autres canaux pour découvrir cette question, sans doute des podcasts j’imagine. Si vous en connaissez que je n’ai pas cité, n’hésitez pas à les indiquer en commentaire, ça m’intéresse énormément !
Dans le cadre de la fête de la science, la médiathèque Hugo Pratt de Cournon d’Auvergne accueille l’explosition Electrosound. C’est jusqu’au 2 novembre 2019, foncez‑y !
Très bien pensée, interactive, l’explosition est composée de plus d’une dizaine de modules, chacun d’eux permettant de comprendre un aspect du son, avec une dimension très orientée musique. Les informations complémentaires sont mises en avant par un graphisme dynamique, qui perd parfois un peu l’œil, mais offre un ensemble visuel très attirant.
On y trouve par exemple une station de mixage, composée d’un logiciel multiplistes (reaper) accompagnée d’un contrôleur (Korg nanoKONTROL Studio). Chacune des huit pistes correspond à un élément du groupe de musique, ou est une piste d’effets. On se retrouve alors en contexte pour contrôler le niveau de chacune des pistes, à la manière d’un technicien son lors d’un concert.
On trouve aussi des modules orientés vers la découverte du son en général, avec une borne d’écoute agrémentée d’un écran, pour mettre en évidence des phénomènes amusants. Il propose notamment à l’écoute l’expérience bien connue de son binaural avec le salon de coiffure virtuel.
Un peu plus loin, on trouve un module quizz, qui permet d’écouter trois versions d’un même morceau, plus ou moins grossièrement encodé en mp3. Et il faut le dire, vraiment dur de déceler la différence à l’écoute rapide entre mp3 128, mp3 192 et wav non compressé !
Il y a quelques années, la découverte du travail de Murray Schafer sur l’écologie sonore avait intensifié mon intérêt pour l’écoute attentive du monde. Cette question du paysage sonore, produit par tous les éléments de la biosphère, de l’humanité, de ses machines, ça invite à se questionner sur notre écoute, et sur les moyens que nous avons d’y être attentifs.
Cette semaine à Clermont-Ferrand, deux rendez-vous permettaient de s’y confronter.
L’esprit des lieux
L’esprit des lieux est un film documentaire de Stéphane Manchematin et Serge Steyer, qui nous permet de tendre une oreille dans l’univers de Marc Namblard, un audio-naturaliste qui capte avec ses micros les sons du monde.
J’avais raté le film aux festivals traces de vies et longueur d’ondes l’année dernière, mais on m’en avait dit le plus grand bien. Et cette semaine, c’était la Jetée qui le programmait pour son heure du doc.
Pendant 1h31, on découvre progressivement le quotidien de Marc Namblard, sa pratique d’enregistrement de la forêt, l’importance de l’écoute dans son quotidien et celui de sa famille. À la fois très peu parlant quand on est sur le terrain, et au contraire plein de voix qui racontent le son pendant les séances d’écoutes, on est guidés dans la découverte des fréquences d’expression des animaux, dans les rythmes de la forêt et de ses habitants à poils et à plumes.
Pour celles et ceux qui aiment le son et sont attentifs au monde, cette promenade sonore est un véritable bonheur.
On en ressort aussi avec le sentiment d’avoir été guidés par les réalisateurs dans un monde paisible, parfois presque artificiel tellement tout semble bien se passer. C’est à la fois très beau, et un peu déroutant. Hors du temps, hors du monde.
La voix humaine parmi les sons du monde
Ce jeudi, dans le cadre de la fête de la science, astu’sciences proposait une conférence discussion, animée par Julien Martin, chanteur-vocaliste, et intitulée la voix humaine parmi les sons du monde.
L’amorce de la discussion a été la définition par le dictionnaire ou l’encyclopédie de la voix humaine, l’identification de limitations liées à cette définition (quid de la voix chuchotée, des clics)… Puis on a discuté d’harmoniques, de diction, de boucle audio-phonatoire. Comme des échos à notre proposition du samedi passé, mais aussi à quelques lectures passées, notamment autour de l’appareil phonatoire.
Une fois fixés sur le périmètre plus ou moins précis de la définition de voix humaine, Julien nous a amené·e·s à explorer les sons du monde, avec le même esprit d’écoute de la nature que celle racontée par le film l’esprit des lieux, et par le paysage sonore. On a parlé bandes de fréquences, niches phoniques, évolution, musicalité des chants. On a écouté une chauve-souris grâce à des transpositions, découvert les subtilités du chant d’une fauvette à tête noire grâce au relentissement de la bande. Puis on a fini par écouter une captation d’un chant de travail au milieu d’une forêt, les oiseaux et les humains se synchronisant en mélodie et en rythmes.
C’était riche, passionnant, et ça donne encore envie d’en voir plus. Ça tombe bien, je continue cet après-midi les ateliers coder la musique, cette fois-ci à la médiathèque Hugo Pratt de Cournon d’Auvergne.
Samedi dernier, nous proposions avec le cri de la girafe une animation sur le marché de Riom autour de la description du son, dans le cadre de la fête de la science. En quelque sorte une extension de l’atelier ch’ai faire, ch’ai dire.
Pour accompagner les participant·e·s sur la description du son, j’ai construit une affiche, en m’inspirant des idées développées pour l’activité de l’IREM son et mathématiques.
Nous avons tiré le poster au format A0, ce qui permet de voir tous les détails. Propagation du son, fréquence, intensité, spectrogramme, enveloppe, grain, … Les principaux ingrédients pour dire des choses sur le son. À télécharger depuis le lien Le son, qu’est-ce que c’est ? au format pdf.
Bien sûr, je tiens à la disposition de qui le souhaite la version source, au format svg. Je le mettrai prochainement en ligne, accompagné de la licence adaptée.
Voilà quelques années maintenant que je m’intéresse à la question du son, et à tous les livres qui traitent du sujet. En particulier, j’aime explorer la diversité des points de vue, des disciplines qui en parlent.
Je continue donc à partager quelques-uns des livres que j’ai croisé ces derniers mois.
Les compositeurs et l’art radiophonique
C’est quelques semaines avant de commencer l’émission Léthargiques Substances Disparates que j’ai dévoré ce livre d’Andrea Cohen, qui reprend les grandes idées qu’elle a développé dans sa thèse de doctorat en musicologie. J’avais déjà dit ici que j’aimais le travail de Jean-Yves Bosseur, son directeur de thèse. On retrouve dans le travail d’Andrea Cohen la grande curiosité au monde de la musique, un travail d’exhaustivité, à la fois précis, compréhensible, et passionnant.
On parcourt avec l’autrice le XXe siècle, pour s’interroger sur les pratiques des compositeurs à la radio, sur les différentes formes que cela peut prendre, sur les contraintes et les possibilités liées au format. C’est clairement avec ce texte en tête que nous avons construit l’émission Léthargiques Substances Disparates…
Intimité, de Nicolas Frise
Dans ce journal de la résidence du compositeur Nicolas Frize et des salariés de l’usine PSA Peugeot Citroën de Saint-Ouin, qui a mené au projet Intimité, on découvre la rencontre entre des ouvriers qui savent que leur usine va bientôt s’arrêter, et un compositeur passionné de son, et de rencontres humaines. On y lit la découverte de l’écoute, les mots pour dire le son, pour raconter un quotidien où le mot pénibilité existe…
Tacet, sound in the arts
Tacet, c’est une revue de recherche bilingue — tous les articles sont imprimés en anglais et en français — qui aborde les arts sonores sous toutes ces facettes. Elle est proposée par la Haute école des arts du Rhin et Les Presses du réel.
Le troisième numéro, l’espace sonore, a une couverture argentée. Il réveille en moi les doux souvenirs véhiculés par la collection ailleurs et demain. Les articles sont riches, divers, et explorent la question de l’espace sous tous ces angles. On y trouve des points communs avec Locus Sonus, dont j’avais déjà parlé ici. Le quatrième numéro traite des sonorités de l’utopie, et c’est grâce à un exemplaire croisé à Utopie Sonore 2019 que j’ai découvert la revue. Une manière passionnante de questionner le son, où plein de choses s’y croise. On y lit même un texte sur Pierre Schaeffer, qui pourtant semble loin de la question des utopies…
L’hypothèse du Baobab, de Thomas Baumgartner
Sous-titré notes sur la radio, ce petit bouquin d’une soixantaine de pages fait parfois penser à un autre livre du même auteur, Le goût de la radio et autres sons, dont j’avais déjà parlé ici. Il s’agit là aussi d’un recueil de textes sur la radio, mais qui semblent plus personnelles. Aucune référence n’est d’ailleurs donnée, on se promène avec l’auteur dans ses réflexions autour de la radio et du son. C’est souvent drôle, et pour qui a pratiqué la radio, souvent très évocateur…
Musiques du Kébèk, ouvrage collectif présenté par Raôul Duguay
C’est François qui a ramené ce livre du Québec. Je ne connaissais pas Raôul Duguay, mais de l’autre côté de l’Atlantique, c’est une référence.
Ce livre, édité en 1971, raconte une histoire de la musique contemporaine, vue depuis le Québec, où la musique d’improvisation et le jazz libre semblent avoir une part importante. Les articles sont parfois très techniques, souvent passionnés. Une curiosité pour un lecteur européen.
Comme chaque année, les laboratoires, universités, associations scientifiques se mobilisent en octobre à travers la France pour organiser des événements à destination du grand public avec une idée clé : faire découvrir les beautés de la science.
Depuis le début de mes activités universitaires, j’y ai peu participé. Mais cette année, plusieurs éléments m’ont poussé à proposer des ateliers.
Tout d’abord, l’association Asctu’science a choisi cette année comme thème Raconte le son. Et ça fait un paquet de temps que je m’intéresse à cette question. Et puis avec les différents projets qui émergent dans la trace de Compas, j’ai très envie de raconter des choses au sujet de la cartographie, et de l’accessibilité.
Alors voilà le programme !
Coder la musique
Coder la musique, c’est un atelier qui sera proposé le samedi 5 octobre à la médiathèque de Riom, et le samedi 12 octobre à la médiathèque de Cournon d’Auvergne. Il s’agit de l’atelier mathématiques et musique que nous avons conçu l’année dernière à l’IREM de Clermont, dans le groupe Informatique sans Ordinateur, et qui sera bientôt proposé sur le site de l’Institut pour les enseignants de primaire et collège.
En quelques mots, il s’agit d’explorer ce qu’est un spectrogramme, comment on le lit, et comment c’est lié à la musique, à la hauteur des notes, à leur durée, etc. C’est scientifique et ludique, et on fini par un petit concert de boomwhakers !
Dans cet atelier, on explore le vocabulaire qui permet de décrire le son, en construisant collectivement un corpus de mots, les plus précis et compréhensibles possible, en s’inspirant au besoin s’inspirant des travaux de Schaeffer. Puis on cherche à décrire avec cet outil tous les sons du monde.
Cette fois-ci, on a proposé aux copines de la compagnie portée de parole de nous rejoindre, pour proposer une version au cœur du marché de Riom, le samedi 5 octobre. Ce sera une version sans électricité, mais où on invitera tous les participants et participantes du marché à participer, pour finir par une criée de restitution…
Cartographier l’accessibilité
À l’occasion de la nuit de la géographie en 2018, nous avions déjà eu l’occasion d’organiser une cartopartie sur l’accessibilité, avec Gauthier, doctorant du projet ACCRIL. Cette fois-ci, on se focalise sur le campus universitaire, et on se questionnera sur l’accessibilité des bâtiments : est-elle bien cartographiée dans OpenStreetMap ? Et d’ailleurs, que peut-on représenter dans l’état actuel des pratiques de cette base de données ?
Cet atelier est proposé en étroite collaboration avec l’UMR Territoires, dans le cadre du projet MSHHACCEScol, où la question de l’accès à l’éducation est questionnée d’un point de vue géographique, géomatique, et législatif.
Cela fait presque quatre ans maintenant que nous avons lancé avec Laurence et Dominique le collectif ADVOX, avec cette envie commune de participer à rendre accessible à toutes et à tous les propositions culturelles qui nous entourent.
En particulier, nous avons commencé très tôt à explorer les possibilités de l’audiodescription, pour rendre accessibles les œuvres contenant de l’image à des spectateurs et spectatrices qui ne verraient pas. On pense bien sûr aux personnes déficientes visuelles, qui sont bien sûr les premières destinataires de ces augmentations de contenu, mais on peut aussi penser à des automobilistes qui voudraient écouter un film, et plus généralement à la démocratisation de l’écoute de podcasts.
L’audiodescription, c’est le moyen parfait pour la radio de donner accès à un tableau, un film, une pièce de théâtre…
Cette année, nous reprenons donc avec ADVOX l’animation de l’atelier du Service Université Culture dédié à l’audiodescription. Une année pour une quinzaine d’étudiants et étudiantes à découvrir cette pratique. Et il faut dire que c’est passionnant, tant cela sollicite un large spectre de pratiques : analyse des intentions des auteurs/autrices, construction d’un corpus de vocabulaire précis et adapté, construction d’un texte respectant la progression de l’œuvre et l’objectivité nécessaire, travail sur la manière de poser sa voix, enregistrement, montage puis mixage.
Cet été, je participais à Utopie Sonore, et Laure m’a proposé d’intervenir à l’antenne de RUSE48 pour raconter un peu de cette pratique, au cœur d’une émission qui parlait de music-hall et de la musique sud-américaine. Anaïs a commencé à mettre en ligne les émissions réalisées pendant ces 48 heures d’antenne, alors vous pouvez maintenant écouter notre proposition.
L’audiodescription, on en parle à partir de la seizième minute, et on s’appuie sur un exemple concret, le clip d’une chanson d’amour, Cómo Te Voy A Olvidar, de Los Ángeles Azules :
Depuis quatre ans que je participe à Utopie Sonore, j’apprends peu à peu à mieux connaître les initiateurs et initiatrices Nantais·e·s. Parmi eux, Fred et Anaïs sont des bidouilleurs de son et d’idées, qui n’hésitent pas à discuter de chaos et d’entropie vers 3 heures du matin, quand tout le monde part se coucher.
Alors quand ils m’ont proposé de se joindre à leurs échanges face au micro, j’ai couru. Anaïs tenait l’enregistreur, et avec Fred on s’est lancé dans ce doux jeu qui consiste à sauter d’un concept scientifique à l’autre, pour construire une histoire qui traverse mathématiques, informatique, physique… Et puis Emma a proposé une texture sonore riche, qui évoque ces questions qui ont croisé notre discussion. Anaïs et Iris ont torturé, assemblé, cousu ces bouts de discussion pour en faire un son, diffusé pendant RUSE48.
Dans Désordre salutaire, on parle de générateurs aléatoires, de lancés de dé, d’ailes de papillons, de gaz qui se mélangent, et de fractales de Mandelbrot…
Il y a quelques temps, j’avais trouvé au hasard de mes flâneries chez les bouquinistes sur un numéro de la revue Musique & Technique, dont j’avais parlé sur ce blog.
Ce que j’ai particulièrement aimé y retrouver, ce sont des articles techniques, pointus, et en même temps accessibles, sur des sujets entre sciences, arts et techniques.
En commençant à travailler sur les problématiques du projet Compas, j’explorais récemment les revues et publications autour de l’acoustique pour l’environnement urbain. Je suis tombé sur plein de choses passionnantes, avec notamment l’équipe CRESSON de l’école d’architecture de Grenoble. Et sur un aspect plus technique, j’ai découvert le centre d’information sur le bruit, qui publie deux revues, et qui ont la sympathique habitude de proposer les anciens numéros en consultation et téléchargement sur leur site internet.
Echo Bruit, le magazine de l’environnement sonore
Echo Bruit est le premier de ces deux magazines. Je n’ai pas eu le temps de réellement lire un numéro entier, mais la maquette est soignée, très agréable à parcourir, les articles sont bien rédigés, bien illustrés. La revue est destinée aux collectivités locales et aux grand public. Elle traite de l’actualité du bruit en général, depuis les réglementations jusqu’aux pratiques de l’acoustique dans la ville, réalisations remarquables, expérimentations… C’est souvent sérieux, parfois ludique, et globalement intéressant pour qui s’intéresse au son et à la ville.
Acoustique & Techniques
La revue Acoustique & Techniques est plus technique, s’adresse à des personnes probablement plus versées dans l’aspect scientifique de la question du bruit, mais chaque numéro traite d’un sujet spécifique, bien ciblé, et très illustré. Par exmple, on trouve un numéro spécial design sonore automobile, qui décrit comment PSA Peugeot Citroën a développé son outil de design sonore en collaboration avec l’IRCAM.
Pour qui est curieux de l’acoustique, du son, et de ses applications à de nombreux domaines, il y en a pour des heures de lecture !
Il y a trois ans, j’entamais une reconversion thématique dans mes activités de recherche, en rejoignant le LIMOS, et en commençant à tisser des liens avec le laboratoire COGIT de l’IGN, et le CRDV à Clermont-Ferrand.
Au fil de ces trois années, les choses se sont consolidées, avec plusieurs projets et partenariats : l’Université Clermont Auvergne a soutenu le projet avec une bourse de doctorat ministérielle, qui permet à Gauthier Fillières-Riveau de commencer une thèse sur la génération de cartes pour instructeurs de locomotion, accompagné par le LIMOS et le COGIT de l’IGN. Un peu plus tard, on tissait des liens avec les géographes de l’UMR Territoires de Clermont-Ferrand, et avec le Centre Michel de l’Hospital, sur la question de l’accès à l’éducation pour les personnes en situation de handicap. J’ai également rejoins l’IREM de Clermont, pour travailler à l’adaptation de matériel pédagogique innovant aux besoins des déficients visuels.
En parallèle de ces activités, j’ai commencé à travailler autour d’OpenStreetMap, et de sa capacité à représenter les infrastructures et les dispositifs d’accessibilité, et nous avons lancé avec Gauthier plusieurs collectes de cartes adaptées aux déficients visuels.
ANR ACTIVmap (2020–2023)
En parallèle, je continue de monter des projets et de tisser des liens avec plusieurs partenaires. Parfois, nous trouvons des financements pour soutenir nos explorations scientifiques. C’est ainsi que cet été, le projet ACTIVmapa été retenu par l’ANR comme un PRCE (Projet Recherche Collaborative – Entreprise), avec comme partenaires le COGIT de l’IGN, mais également l’IRIT, de l’Université de Toulouse III, et FeelObject, une jeune entreprise basée à Toulouse.
Pour un chercheur dans un laboratoire public, comme je le suis, obtenir une ANR en tant que porteur de projet, c’est une belle reconnaissance de son activité de recherche, et du potentiel qu’elle peut ouvrir dans les prochaines années. Ces quatre prochaines années seront donc l’occasion de nombreuses collaborations entre Saint-Mandé, Clermont-Ferrand et Toulouse, pendant lesquelles nous allons explorer des questions scientifiques passionnantes, échanger avec des professionnels de la déficience visuelle, et expérimenter les prototypes logiciels et matériels que nous allons imaginer.
Le site internet activmap.limos.fr a donc été revisité et simplifié, pour se concentrer uniquement sur les activités de cette collaboration, qui commencera scientifiquement au 1er janvier 2020.
Compas : Cartographie et Outils Multisensoriels Pour l’Accessibilité Spatiale
En réfléchissant à l’articulation entre tous ces projets, et à tout ceux qui sont encore en cours de construction, par exemple avec WeGoto ou avec le CRDV, j’ai fini par consolider une ligne directrice, qui sort de la problématique initiale des cartes pour déficients visuels. Ce qui structure donc ces travaux, c’est la question de la perception spatiale chez les personnes déficientes visuelles, et des outils que l’informatique, la géomatique ou l’utilisation du son numérique qui peuvent la consolider.
Au final, je constate que j’ai fini par adopter dans le contexte universitaire la même manière de travailler que j’applique à mes activités associatives, c’est-à-dire imaginer des projets qui se complètent et s’alimentent les uns les autres, autour de mes centres d’intérêt : la géométrie algorithmique, le graphisme, la cartographie, la déficience visuelle, le son, la spatialisation, l’urbain, le logiciel libre…
C’est donc avec grand plaisir que j’ai travaillé ces derniers jours à la construction d’un site internet qui raconte un peu ces questions.
Bienvenue donc au site du projet compas : compas.limos.fr !
Utopie Sonore 2019, c’est fini. Deux jours et demi de préparation, puis 48 heures d’antenne, à fond, à tenir au maximum, à lutter contre le sommeil pour préparer et réaliser en direct des bidouillages sonores, des discussions, des expérimentations, pour diffuser des choses, apprendre de nouvelles pratiques, etc.
Nous étions entre 30 et 40 personnes réunies à Pol’n pour faire vivre ce projet un peu fou de sprint radiophonique. Très riche humainement et techniquement, avec plein d’idées qui fusent, qui s’échangent.
Pour ma part, j’ai pu participer à monter un plateau radio, à mettre en place le streaming vers Radiocratie, j’ai pris du temps pour transmettre aux participant·e·s mon expérience de la radio associative. Puis j’ai participé à des ateliers, appris à mieux me connaître grâce à la pratique de l’improvisation, partager mon expérience sur l’enregistrement, le montage/mixage, l’écriture radiophonique, …
Et puis à plusieurs, on a imaginé des concepts d’émission, fabriqué des génériques et jingles pour l’habillage, réfléchi à la grille d’antenne…
Et enfin, on a fait de la radio. J’étais parti dans l’idée d’expérimenter le maximum de formes radiophoniques. J’ai donc pu pratiquer : la présentation improvisée d’Utopie Sonore à l’antenne, l’animation d’un plateau sur le validisme, la lecture du manifeste du CLHEE, l’improvisation de discussions futiles et humoristiques, l’interview d’un coloriste, l’interview de réalisateurs de science-fiction radiophonique, l’interview d’une réalisatrice de documentaire radiophonique autour des langues, j’ai participé à une émission sur la voix où nous avons expérimenté et décrit en direct la manière de modifier la voix, j’ai parlé d’audiodescription, de hasard et d’aléatoire, j’ai pris part à un plateau sur le caca, animé un autre plateau sur la transmission de la pratique radiophonique, proposé à l’antenne un podcast que j’aime beaucoup, le premier épisode de la série Underground sur Radio Maarif, intitulé Soufiane, accusé de satanisme. J’ai aussi participé à de l’improvisation de bruitage, et j’en passe et des meilleurs…
Au delà de ces exemples très personnels, on a pu entendre à l’antenne du documentaire, de la création sonore, des performances en direct, de la musique électro-acoustique, un cours de rythme, un cours de danse, une émission sur le féminisme, une autre sur le cul, une création collective sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, des lectures, des improvisations, de la musique, une émission nocturne pour aider les insomniaques à dormir, des débats intéressants, et du gros n’importe quoi.
Bref, 48 heures d’antenne, c’était long, surtout quand on ne dort presque pas. Le projet était complètement fou, on a dit « vazy on essaye ». Certain·e·s ces sont brûlés les ailes à vouloir tenir le rythme, d’autres ont accepté plus facilement que l’on passe une playlist de musique actuelle… Certain·e·s avaient l’envie d’expérimenter une radio différente, mais c’était dur de trouver les moyens d’oser la faire.
On s’est aussi beaucoup amusés, on a bien discuté, bien mangé, bien ri, et fait la fête… De belles rencontres, de beaux échanges. Tout ça en 48 heures.
De tout cela restent des podcasts, que l’on doit à Radio Campus Clermont et à Canal Sud, et que l’on rassemble pour proposer à l’écoute très prochainement.
Comme tous les ans, avec quelques giraphones, je participe à Utopie Sonore. Une rencontre de création sonore, où au fil des ans (2016, 2017, 2018) on a rencontré des gens géniaux, appris plein de choses, réalisé une foule de trucs avec du son…
Cette année, on rompt un peu avec les habitudes. Après trois années à la cour des Aulnays, Utopie Sonore se déroulera cette année à Pol’n, en plein cœur de Nantes. Au programme : ateliers de pratique sonore, échanges, découvertes, et restitution en fin de séjour.
Et cette fois-ci, on a vu les choses en grand, avec 48 heures de radio éphémère. Ça s’appellera Ruse48, et le site internet est déjà en place, sur les serveurs de Radiocratie.
On invite bien sûr toutes les radios qui le souhaitent à diffuser en direct les 48 heures de restitution de US19. Pour cela, rien de plus simple, il vous suffit de reprendre le flux mis à disposition : https://flux.radiocratie.com/flux.
Et quoi de mieux qu’un mois de juillet caniculaire pour se plonger dans un bon bouquin. Je suis donc tombé à la médiathèque de jaude sur un exemplaire de Paris, la forme d’une ville, de Michaël Darin, sous-titré précis d’anatomie urbaine, du moyen-âge à nos jours. 216 pages richement illustrées de photos récentes et d’archives, de plans, de cartes, de dessins de façades…
Outre ces très bonnes illustrations, j’ai beaucoup aimé l’angle développé par l’auteur, qui propose pas à pas de comprendre la stucture de la ville, depuis l’échelle du bâtiment jusqu’au Paris du périphérique. On perçoit au fil des siècles qui passent le complexe mélange de chacune des décisions politiques, parfois suivies d’effets, jamais pleinement abouties, et des volontés individuelles, des usages privés de la ville, qui ont fait de la capitale ce qu’elle est aujourd’hui.
On y retrouve l’histoire de promenades et des boulevards, évoquée dans Paris-Londres, les modifications constantes des voies de circulation pour satisfaire aux nouveaux modes de transport, les processus d’expansion de la ville, et les différentes typologies de quartiers et de rues.
Toujours illustrés de photographies, les chapitres se suivent, évoquant l’hétérogénéité de style ou d’époque d’une rue, celles qui au contraire ont une cohérence, les lotissements, les îlots restructurés, les projets architecturaux du XXe siècle…
J’utilise depuis quelques temps une souris sans fil qui correspond bien à mes besoins. Quand on utilise beaucoup un ordinateur, il faut bien choisir ses périphériques. J’aime bien sa forme (elle est symétrique et épurée), j’aime bien son poids (relativement lourde pour une bonne inertie)… Et j’aime bien ses deux boutons supplémentaires, que l’on active en poussant la molette de la souris à droite ou à gauche.
Dans les navigateurs principaux, type Chrome(ium) ou Firefox, ces boutons permettent de revenir en arrière dans la navigation web, enfin plus précisément de naviguer dans l’historique de la page, en avant et en arrière. Très pratique.
Cependant, j’utilise plus volontier un navigateur léger, très bien intégré à kde, nommé falkon. Et là, les deux boutons retour et suivant ne marchent pas. Je dois utiliser les raccourcis clavier « alt + flèche gauche » et « alt + flèche droite ». Heureusement, on est sous GNU/Linux, et tout est configurable (bon, sous Windows aussi en fait), et xbindkeys est l’outil qu’il me faut.
J’ai donc suivi les conseils de Jim Priest (que je remercie au passage), en commençant par identifier les boutons grâce à la commande xev | grep button, puis en créant dans mon répertoire personnel un fichier .xbindkeysrc avec le contenu suivant :
La première ligne indique que l’on doit simuler la pression tenue sur la touche alt de gauche, la pression sur la touche gauche, puis le relâchement de la touche alt gauche. La deuxième ligne indique que c’est lorsque le bouton d’identifiant 8 de la souris sera activé que l’on doit simuler cette séquence de touches. Les deux lignes suivantes développent la même idée avec la touche gauche, et l’autre bouton de la souris.
Une fois redémarrée la session graphique, ça fonctionne parfaitement !
Produire du son pour la radio, c’est passionnant. Il y a plein de questions auxquelles il faut réfléchir, pour combiner les sources. La voix est bien sûr un élément essentiel, peut-être encore plus quand il s’agit de fiction.
Depuis quelques années, je m’intéresse beaucoup aux formes que peuvent prendre les voix dans un enregistrement : la voix du journaliste, de l’animateur, de l’intervieweur à la radio, la voix d’une audiodescription, la voix pour la fiction. La technique d’enregistrement est essentielle bien sûr — choix du micro, de l’environnement, distance au micro, diction — mais le mode de narration est aussi une question très intéressante.
Si les rares librairies sonores ont énormément de mal à survivre à la dématérialisation des supports audio, le nombre d’auditeurs est en nette augmentation, notamment avec l’émergence des dispositifs d’écoute itinérants (smartphones, autoradios lecteurs mp3, …).
Au delà des formes commerciales, notamment produites par Novaspot, il existe de nombreuses pratiques amateures, destinées à une distribution non commerciale. On peut penser aux productions des passionné·e·s de podcasts, mais aussi aux pratiques d’enregistrement de livres pour déficients visuels portées par des associations comme les donneurs de voix.
On peut aussi évoquer les formes non linéaires de narration, à la manière des livres dont vous êtes le héros de mon enfance, proposés par Lunii, qui ouvrent encore une autre forme d’écoute…
Le théâtre radiophonique
Une autre pratique historique et parallèle est celle du théâtre radiophonique. En France, ces productions sont ancrées dans une tradition de longue date, avec l’ORTF puis aujourd’hui Radio France, qui s’est adaptée au numérique en proposant une plateforme dédiée à la fiction sur son site internet.
Avec des adaptations récentes à grand budget, comme celles des aventures de Tintin, la radio nationale prend aussi le temps de raconter la manière dont ses personnels travaillent. Les making of sont très intéressants à explorer.
Les sagas MP3
Avec l’arrivée d’internet, de l’ordinateur personnel, et des solutions de MAO, on assiste à la démocratisation de la production de fiction audio, sous une forme amateure, pleine d’énergie, et qui démarrent avec le très connu Donjon de Naheulbeuk. Ce sont les saga MP3.
On trouve notamment une grosse communauté de réalisateurs et d’auditeurs sur le forum Netophonix. Leurs pratiques, au début marquées par les premières séries, se sont ensuite diversifiées, et l’on trouve aujourd’hui des formes très diverses.
On pourra d’ailleurs consulter le site de François TJP, pour une revue des fictions de référence.
Les formes de narration
On pourrait penser qu’il existe une certaine homogénéité dans les formes de narration pratiquées pour le livre audio, et la fiction en général. En vérité, il n’en est rien. Il existe de nombreuses manières de composer les choses, depuis la lecture monocorde jusqu’au théâtre radiophonique. Voici quelques-unes des pistes que l’on peut explorer quand on met en ondes un texte de fiction.
Mettre le ton
Tout d’abord, il y a le ton, ce qui permet à un lecteur de marquer la distinction entre un passage narratif et un dialogue, qui permet de rythmer les passages à suspense, ceux à surprise, les interrogations.
À une extrémité, on trouve les enregistrements destinés à l’audiodescription, quasiment neutres de toute intention, pour ne pas influencer l’auditeur.
Un peu plus loin, certains enregistrements sont très neutres, et l’on distingue juste les différents passages par des marques narratives, indiquées dans le texte. C’est souvent le cas des textes aux discours indirects.
Puis à l’autre extrémité, on trouve des textes très joués, presque interprétés, où la diction est même adaptée suivant le personnage, le débit évoluant, l’intensité aussi. Voix chuchotée, voix parlée, voix qui porte pour interpeller…
Entre les deux, on rencontre plein de pratiques, avec des dictions plus ou moins marquées d’une époque. Le ton peut être familier, ou au contraire assez ampoulé, le débit très lent… La diversité des styles rend l’expérience de l’écoute multiple.
On trouve aussi des formes d’écriture qui guident l’interprétation. Par exemple, quand le personnage s’adresse directement à l’auditeur, cassant le quatrième mur.
Interpréter les personnages
Parfois aussi, le narrateur donne un accent, une texture à la voix d’un personnage, une tessiture. La voix aura un son caverneux, une musicalité sifflante, fluette, ou encore nasillarde. Le personnage aura un ton mesquin, coquet, naïf, arrogant, …
La difficulté réside ici dans la capacité à tenir ces interprétation dans la longueur de l’enregistrement.
Utiliser plusieurs voix
Il arrive parfois que le texte utilise non pas une seule voix, mais plusieurs. Différentes distributions peuvent être rencontrées. On peut par exemple utiliser un narrateur, et une ou des voix différentes pour les dialogues.
Plus on s’approchera du théâtre radiophonique, et plus on aura une voix par personnage. Dans les deux extraits qui suivent, on peut apprécier la différence d’adaptation et d’interprétation à plus de 50 ans d’écart du même passage de la bande dessinée d’Hergé.
On peut aussi séparer la partie narrative en plusieurs voix. Par exemple, dans l’enregistrement de Fantastique Maître Renard édité chez Gallimard, Christine Delaroche et Daniel Prévost se partagent les personnages, ainsi que les parties narratives proches de leurs personnages, même si Daniel Prévost interprète la majeure partie des narrations. Christine Delaroche interprète majoritairement les personnages féminins et les enfants.
Si l’on avait laissé à Daniel Prévost le soin de toutes les parties narratives, on aurait eu très souvent un changement de voix, ce qui aurait rendu difficile la compréhension et le suivi du texte.
Les ambiances sonores
Les ambiances sonores peuvent parfois venir accompagner les voix pour rendre plus vivants les livres. C’est un parti pris souvent rencontré dans les livres audio pour enfants, ou lorsque la production est clairement destinée à une écoute radiophonique grand public.
Ces bruitages peuvent parfois être très légers, ils servent à rythmer un texte, à l’augmenter. On entendra une automobile démarrer, une porte claquer, un animal miauler…
En allant plus loin encore, tout un environnement peut être reconstitué, se rapprochant des pratiques du cinéma, même parfois augmentées de musiques (voir plus bas). C’est souvent le parti pris du théâtre radiophonique.
Les techniques d’enregistrement
La manière la plus courante d’enregistrer un livre audio est de placer un micro à courte de distance du narrateur, à la manière du voice-over. La voix est celle de la radio, l’auditeur ne perçoit pas l’espace d’enregistrement. On évite aussi les jeux de proximité. Le micro est rendu transparent, il s’agit d’une lecture.
Mais parfois, au contraire, on veut donner vie à la matière de la voix elle-même, dans un espace plus ou moins grand, plus ou moins traité acoustiquement, qui va résonner, être intérieur ou extérieur. Parfois les acteurs et actrices joueront avec le micro, s’éloigneront, se rapprocheront au contraire.
Plus on va dans cette direction, plus on s’approche d’une pratique de théâtre radiophonique.
Utiliser la musique
La musique en particulier, et les sons abstraits en général sont des éléments qui viennent facilement augmenter une narration. On peut rencontrer ces éléments sonore comme des marqueurs de fin de chapitre, ou de transition dans la narration.
On peut aussi utiliser la musique comme un moyen de soutenir la narration, pour amplifier ou faciliter la compréhension d’une situation, à la manière dont le cinéma le pratique : pour soutenir le suspense, augmenter un passage dramatique, etc.
On rencontre même des exemples où l’ambiance sonore est quasiment un tapis continu…
Ces éléments sonores musicaux peuvent prendre des formes de quasi bruitage, pour évoquer des événements de l’histoire.
Enfin, on trouve aussi les chansons comme éléments complémentaires à la narration, comme dans les comédies musicales.
Au delà de la fiction
Dans le documentaire aussi, on doit réfléchir à la voix. Même si ce n’est pas le sujet de cet article, j’avais tout de même envie d’évoquer quelques variations, depuis les interprétations très neutres jusqu’aux documentaires à sensation, en passant par les choses plus subtiles.
En particulier, j’aime énormément le ton qu’utilisait Jean-Christophe Victor dans le dessous des cartes.
Dans les formes plus marquées, on trouve le nouveau programme très réussie de France Inter à destination des enfants, Les Odyssées. Le ton, la musique, l’ambiance font un peu penser à ces documentaires américains comme les bâtisseurs de l’impossible, où tout est incroyable…
Dans un style très différent, on trouve aussi des poèmes composés musicalement, par Jacques Rebotier.
Remerciements
Je ne pouvais pas finir cet article sans un clin d’œil à Denis et Catherine de la compagnie du Chat noir, qui ont été pendant de nombreuses années nos dealers de quartiers du livre audio. Leurs conseils avisés ont été source de nombreuses joies, et le sont toujours…
Je remercie aussi Blast pour les compléments à la première version de cet article, qui m’ont permis d’ajouter des liens et informations sur les saga mp3.
Récemment, j’ai eu l’occasion de l’essayer, et je dois avouer que le produit est vraiment bien pensé : simple à manipuler pour l’enfant, avec une grande variété d’histoires, et toujours cette possibilité d’être acteur de l’écoute. Car avec Lunii, on n’écoute pas une histoire, on la fabrique, en choisissant les éléments qui vont la composer : personnage principal, décor, objets, acolytes, … et c’est parti !
Cerise sur le gâteau, l’application de mise à jour des histoires est disponible pour tous les systèmes d’exploitation, y compris GNU/Linux !
Les possibilités semblent très étendues, et on attend avec impatience un kit ou un logiciel pour pouvoir soi-même fabriquer des histoires dont on serait les héros…
De ces lectures et discussions, ainsi que de mes expérimentations personnelles publiées ou non, j’ai réuni dans le texte qui suit quelques idées, lignes de réflexion, qui peuvent aider à penser le son. Je ne prétend pas être exhaustif, et les quelques pistes proposées doivent plus être vues comme des éléments de réflexion sur sa pratique, ou comme des outils d’aide à l’analyse critique de pièces existantes.
Des mots pour décrire le son
Quand on manipule du son, la première chose à faire pour le comprendre, c’est de s’équiper d’un vocabulaire de description. En musique et en physique, on a du vocabulaire pour décrire tout cela. Je vous renvoie à l’article que j’avais écrit sur les mathématiques et le son, qui raconte ce qu’est le son de ces points de vue : hauteur/fréquence, intensité, rythme, battements par minutes, etc.
En allant un peu plus loin, on peut s’intéresser à des travaux comme celui de Pierre Schaeffer, explorateur théoricien d’un vocabulaire de description du son : attaque/corps/chute, mais aussi texture, masse, dynamique, …
Ces outils sont utiles pour identifier des sons similaires, repérer ceux qui se fondront facilement l’un dans l’autre, ou au contraire ceux qui ressortiront efficacement quand on les mélangera. Un son aigu, très lisse, composé d’une masse principalement distribuée le long des harmoniques de la fondamentale (une note cristalline) ressortira par exemple très efficacement au milieu d’un son de masse importante, plutôt grave et rugueux (le son d’un moteur de camion).
Objets sonores
Pierre Schaeffer a construit son travail à partir de la définition d’objet sonore, ou entité sonore détachée de son contexte. Quand on fabrique des pièces à écouter, on assemble souvent plusieurs fragments sonores, que l’on superpose, juxtapose, mélange. Pour l’auditeur, peut importe la recette. Quand il va écouter la pièce, il pourra parfois identifier distinctement plusieurs objets sonores qui se superposent, parfois au contraire il ne percevra qu’une seule continuité de son.
Composer une pièce consiste donc à jouer avec ces différents objets sonores pour qu’ils se répondent, se mélangent, se détachent, se combinent… Dans la suite, on évoque quelques manières de penser ces objets sonore, de les fabriquer, et de les assembler, afin de construire une pièce complète et cohérente.
Voix, musiques, ambiances, bruits
Une première manière de catégoriser ces objets sonores, c’est de les distinguer suivant ce qu’ils portent.
En premier lieu, notre oreille est extrêmement habituée à percevoir le son d’une voix humaine parmi d’autres sons. Nous sommes aussi très sensibles aux modifications de ces sons : équalisation, glissement de fréquences et autres artifices seront vite détectés, et pourront constituer une coloration de la voix.
Il faut bien sûr distinguer dans le son d’une voix le propos qu’elle porte de la matière sonore qu’elle compose en elle-même. Parfois, on pourra choisir des sons de voix sans se préoccuper de leur sens, voire même en les masquant. D’autres fois, on travaillera sur le propos seul, et sa texture sera ignorée, laissée brute, sans recherche d’esthétique sophistiquée. Si l’on travaille à l’enregistrement, la question du dispositif microphone est également un point important.
Une des premières choses que l’on ajoute ensuite en radio après la voix, c’est de la musique. Du son conçu pour être joli à l’oreille, harmonieux, rythmiquement élaboré. Il assure une certaine stabilité à l’auditeur, qui peut s’appuyer sur sa culture d’auditeur pour écouter, ressentir sans devoir trop analyser. C’est un outil très facile pour rehausser les ressentis de l’auditeur, augmenter un côté dramatique, accentuer un propos amusant, ou au contraire se placer en contrepoint. Mais c’est aussi quelque chose de compliqué à utiliser, car l’auditeur peut avoir ses propres souvenirs liés à un morceau, ce qui nuira à sa réception. C’est aussi un son très artificiel, qui peut éloigner l’auditeur d’une immersion dans un décor sonore, lui rappelant qu’il écoute un son composé. On peut aussi s’interroger sur les questions de droits d’auteur, ou sur les problématiques de captation… Les compositions récentes sont aussi énormément travaillées, et face à un son naturel paraître trop écrasantes, trop artificielles…
Quand on capte les sons en extérieur, on est vite tenté d’utiliser une prise d’ambiance pour compléter un son, placer un décor. On peut parler de paysage sonore. C’est un ingrédient classique, mais difficile à manipuler, car elle nécessite d’être très soigneux dans sa captation pour ne pas souffrir de gros défauts techniques. C’est aussi quelque chose avec lequel tous les auditeurs ne sont pas familiers, et qui teinte la pièce d’une dimension documentaire, dont l’esthétique est très puissante. On travaille souvent ici avec des périodes de silence sur les autres éléments de la pièce, afin de laisser le décor s’installer.
Enfin, on complète ces éléments par des bruits, figuratifs ou non, qui viendront ponctuer et rythmer l’ensemble, soit en illustrant des détails d’un paysage sonore, à la manière d’une loupe auditive, soit en marquant une transition entre plusieurs moments de la pièce.
D’où vient le son
Il existe principalement deux sources de son : les sons captés par un micro, que l’on pourra dire sons du réel, et les sons fabriqués, que l’on pourra appeler sons de synthèse. Dans les deux cas, il existe une grande diversité de sons.
Les sons du réel peuvent être issus d’un environnement naturel, captés dans la ville, issus d’un microphone à contact percevant les moindres vibrations d’un objet, ou encore captées grâce à un micro très directionnel, comme une loupe sur un son en particulier… On pourra aller lire un article précédemment écrit sur la manière d’utiliser un enregistreur pour repérer quelques éléments clés de cette question de captation.
Les sons de synthèse peuvent être produits par un dispositif électronique, informatique, voire mécanique. Cette synthèse peut s’appuyer sur des oscillateurs, sur des générateurs aléatoires, être conçu pour être agréable, ou désagréable, etc.
Au moment de la fabrication, ces deux familles de sources (du réel vs de synthèse) sont généralement facilement identifiables, sauf bien sûr si on s’amuse à enregistrer le son d’une sonnette électrique avec un micro. À l’oreille, on arrive aussi souvent à distinguer les deux familles. Mais quand on commence à les modifier avec des plugins, des effets, des distorsions, on peut vite perdre cette séparation. On obtient un continuum, depuis les sons très réels issus du quotidien, figuratifs et explicites de leurs sources, jusqu’aux sons très abstraits, qui semblent terriblement synthétiques.
Il est cependant difficile de mélanger simplement des sons des deux extrêmes sans que l’auditeur ressente tout de suite une impression de collage brutal. Notre oreille capte deux canaux, qui vivent leur vie séparée. Deux objets sonores distincts. En allant plus loin dans ce continuum, on peut bien sûr percevoir plus de deux canaux, si les caractéristiques de chacun d’eux est suffisamment différente.
Ce qui est intéressant, c’est que l’on peut jouer de cet assemblage, en faisant se répondre les sons, voire en choisissant des sons dont les fréquences, le grain sont tellement semblables que l’on perd soudain l’auditeur en faisant fusionner ces sources. C’est à la fois un défi technique, et un guide intéressant de la composition : travailler à faire vivre ces sons au delà d’une juxtaposition brutale.
Ce travail de fusion peut être réalisé en amont, pour fabriquer un objet sonore unique, ou au contraire de manière dynamique, pour faire évoluer la pièce.
Structurer une pièce
L’un des aspects important est bien sûr la structure globale de la pièce. La penser en actes, en parties, en éléments ayant chacun une couleur, une intention, une dominante… Ici chacun peut travailler à sa manière, en s’inspirant de pratiques existantes, issues de la composition musicale, de l’art de la narration, de la construction de documentaires, etc.
On peut par exemple faire se répondre deux types de passages, les uns très documentaires, les autres plus abstraits. On peut au contraire mélanger ces deux aspects pour former un ensemble continu, ou le propos, la couleur narrative sera plutôt le facteur déterminant.
Chaque projet a sa propre trame, son propre mécanisme d’écriture sonore. Dans les projets sur lesquels j’ai travaillé, je peux citer Léthargiques Substances Disparates, où la pièce d’une heure était découpée en tableaux aux intentions préalablement définies, un projet de création sonore collective, où les tableaux et les transitions avaient été pensées avant leur réalisation, ou les artichauts sonores, où on a cherché à mêler des formes différentes. Dans Interface, la musique et les ambiances jouent un rôle important dans la tenue du rythme.
Un point important consiste à soigner les transitions. On peut utiliser des silences, des sons percussifs et très nets, ou au contraire travailler sur une transition douce. On peut exploiter la variation de registre de contenu (voix, musique, ambiance, bruits) pour faciliter la lecture du changement de tableaux. En radio, on utilise par exemple souvent le principe de virgule musicale quand on construit un conducteur.
Une habitude prise avec les ami·e·s du cri de la girafe a consisté à être très soigneux sur les premiers moments des pièces produites, autant sur le fond que sur la forme, afin d’accrocher l’auditeur, et ainsi l’inviter à prolonger son écoute. C’est une pratique qui semble essentielle, à l’heure où de plus en plus d’écoutes se font en podcast.
Travailler par plans
Une autre manière de réfléchir les éléments sonores d’une pièce consiste à les penser en terme de plans : le premier plan, où l’écoute est pleinement concentrée, le second plan, où des détails viennent compléter les choses, et l’arrière-plan, qui dresse le décor. On pourra jouer sur le volume, sur la spatialisation, sur des effets de réverbération par exemple, pour ouvrir le son depuis le micro jusqu’au lointain.
Une manière de composer simplement une scène consiste à placer les voix au premier plan, les bruits des objets manipulés par les protagonistes au second plan, et l’ambiance de la ville en arrière-plan, pour placer une discussion au balcon d’un appartement marseillais par exemple.
Cette construction par plans peut bien sûr évoluer au fil d’une scène, par exemple en faisant s’approcher progressivement une bande musicale de l’auditeur : d’abord étouffée, captée en condition naturelle pendant une fête entre amis, elle est progressivement remplacée par la version propre, directement prise sur le disque de l’artiste. C’est un effet que nous avons par exemple travaillé dans le générique de Faratanin Fraternité.
De l’importance des niveaux de détail
C’est en étudiant la manière dont travaillent les infographistes que j’ai compris un élément important de la composition sonore. Dans une série de vidéos et d’articles traitant de la manière de bien modéliser des objets 3D, Jonathan Lampel rappelle l’importance d’intégrer dans une composition des éléments à chaque échelle : des détails de grande taille pour structurer l’ensemble, des éléments de petite taille pour donner à la création un caractère dense, complet, réaliste, et des détails à l’échelle intermédiaire pour rendre le tout naturel.
C’est en suivant ce chemin de composition que l’on peut penser une création, en la rendant équilibrée suivant différents aspects : la longueur des objets sonores utilisés (des objets sonores qui s’étirent sur la longueur, aux éléments quasi instantanés, en passant par les objets de quelques secondes de durée), la hauteur des sons (des sons graves, médium et aigus), leur rugosité (lisses, rugueux, intermédiaires), leur présence spatiale (des sons qui occupent tout l’espace avec une réverbération intense, des sons très précis comme pris au micro-canon), etc.
En choisissant de ne pas inclure des objets sonores de toutes les tailles sur ces différentes échelles, on risque de créer un déséquilibre. Ce déséquilibre peut être un choix artistique, mais il est important d’en avoir conscience.
Pour aller plus loin
Parmi les livres qui traitent de la composition sonore dans une voie un peu proche de ce qui est présenté ici, on peut penser à Pour une écriture du son, de Daniel Deshays, ou aux livres de Michel Chion autour de l’écriture du son pour le théâtre ou le cinéma.
Sur un sujet proche, et en même temps éloigné, on peut écouter Poétiques de la radio, qui questionne ce qu’est la pratique de la radio.
Depuis deux ans, on entend parler absolument partout du son binaural. La première fois que j’ai réellement découvert ce que cela signifiait, c’était à l’occasion d’Utopie Sonore 2016, où un groupe de participant·e·s avait pu réaliser quelques expérimentations.
Le monde de la radio et du son en général est en véritable effervescence au sujet de ce qui est annoncé par beaucoup comme une véritable révolution… On peut écouter des émissions à ce sujet, et même en écouter sur le site de Radio France dédié au son 3D…
Mais qu’est-ce que c’est, le son binaural ?
[Le son binaural] est une technique qui restitue l’écoute naturelle, en trois dimensions.
Cette préparation spécifique du son permet de ressentir une impression d’immersion très réaliste. On se retrouve au cœur d’un univers sonore, bien plus qu’avec la stéréo classique.
Pour comprendre comment ça marche, il faut revenir un tout petit peu en arrière, et expliquer comment notre système auditif fonctionne pour localiser les sources des sons.
On écoute avec deux oreilles
Je ne reviendrai pas ici sur ce qu’est un son, ni sur la question du spectre auditif. Si ces questions vous intéressent, je vous invite à consulter le début de l’article que j’avais écrit sur la musique et les mathématiques.
« Le son que je viens d’entendre a‑t-il été produit devant moi, au dessus, sur la gauche, derrière ? À 2 mètres, à 10 mètres ? » Les humains, comme beaucoup d’autres animaux, sont capables de localiser très précisément une source sonore dans l’espace environnant.
Pour cela, on utilise principalement nos deux oreilles. Une à gauche, une à droite. Comme elles sont placées de chaque côté de notre tête, et comme le son avance dans l’air ambiant à une vitesse de 340 mètres par seconde, il y a donc quelques millisecondes de différence dans la perception du son par les deux oreilles. En ajoutant à cela l’atténuation naturelle de l’intensité due à la distance, on a donc une légère différence de niveau sonore dans la perception du son entre les deux oreilles. Cela permet de situer efficacement un son dans le plan horizontal.
La localisation dans le plan vertical du son est quant à elle permise par la forme particulière de nos oreilles, nos épaules, notre tête, etc. En effet, ces structures ont tendance à réfléchir ou à filtrer certaines fréquences, ce qui entraîne une modification du spectre fréquentiel perçu. Certaines fréquences sont atténuées, et d’autres amplifiées suivant la direction d’où vient le son.
La perception de la distance est notamment permise grâce aux différences perceptibles entre le son qui arrive directement à nos oreilles, et celui qui arrive après avoir été réverbéré par l’environnement.
Enfin, puisque ces différentes perceptions sont parfois délicates, nous avons également tendance à réaliser des micro-mouvements de la tête, non contrôlés, qui aideront le cerveau à affiner sa perception de la localisation de la source, en utilisant plusieurs estimations successives à des orientations différentes.
Si vous voulez en lire plus sur ces questions, je vous invite à parcourir l’article sur le site cochlea, que je trouve très pédagogique.
Simuler un son naturel
Quand on utilise un dispositif d’enregistrement et de restitution du son, on cherche donc à simuler un son naturel, pour permettre à l’auditeur de le percevoir localisé dans l’espace ambiant. À chacune des étapes de l’enregistrement, du mixage, et de la diffusion, on doit donc réfléchir à la manière de spatialiser le son.
Multi-sources
La manière la plus simple de spatialiser le son, mais qui est peu utilisée, consiste à placer une enceinte à l’endroit de chacun des sons que l’on veut simuler. C’est ce qui est fait au théâtre par exemple, où l’on pourra placer une enceinte dans le landau pour faire entendre un bébé qui pleure. Les spectateurs entendront le son venir exactement du bon endroit.
Évidemment, cette technique n’est possible que si l’on peut positionner une enceinte pour chacune des sources sonores que l’on veut simuler. C’est assez utopique, et impossible pour un dispositif d’écoute personnel.
La technique la plus courante est donc la diffusion du son en stéréo, voire en 5.1. Je ne prendrai pas le temps de détailler les sons 5.1 et ses alternatives pour le cinéma, mais on peut les entendre comme une extension du son stéréo.
Le son stéréo
Le son stéréo fonctionne très bien avec deux enceintes, placées de part et d’autre de l’auditeur, à distance égale, généralement en formant un triangle équilatéral à 60°.
En mixant le son pour la stéréo, on utilise principalement les écarts d’intensité entre les deux canaux pour simuler un son gauche/droite. Parfois, on ajoute à cela un léger délai entre les deux signaux, pour augmenter encore l’impression de spatialisation. Mais on va rarement au delà, car la perception réelle de l’auditeur dépend beaucoup de la position de ses enceintes.
Pour enregistrer du son pour la stéréo, on pourra par exemple utiliser un couple XY, ou encore un couple ORTF, suivant les besoins et envies.
Il est intéressant de noter que l’écoute au casque d’un son mixé pour la stéréo semblera généralement moins bien spatialisé, parce que les sources sonores seront collées aux oreilles, et non plus éloignées significativement de l’auditeur. En diffusant un son uniquement dans l’enceinte droite, on a toujours une écoute stéréo, l’auditeur perçoit l’enceinte à 45°. À l’inverse, en ne diffusant un son que dans l’oreillette droite d’un casque, on proposera à l’auditeur un mix qui n’a rien de naturel (on n’entend jamais un son que d’une seule oreille). De plus, avec un casque, impossible de profiter des micro-mouvements de la tête.
Le son binaural
Le principe du son binaural est de concevoir un son pour une écoute au casque, la plus fidèle possible à ce que l’on pourrait percevoir en environnement réel : délai entre les deux oreilles, différence d’intensité, modification du spectre de fréquences, afin de simuler au mieux les choses.
Il existe différentes techniques pour produire un tel son : soit en captation binaurale, en utilisant deux micros placés au niveau des oreilles de l’opérateur ou d’un mannequin, soit en utilisant des plugins de spatialisation de son dédiés, où l’on place la source dans l’espace ambiant, et où l’on simule un son binaural.
Les limitations du son binaural
Si sur le papier cette approche semble très prometteuse, il est tout de même important de rappeler quelques limitations, qui font que cette technique n’est probablement pas aussi formidable que ses défenseurs veulent le faire entendre.
Tout d’abord, notre écoute s’appuie beaucoup sur les micro-mouvements de la tête pour affiner la localisation des sources de son. La seule manière de simuler cela dans le cadre d’une diffusion binaurale est de réaliser un suivi en temps réel de la tête de l’auditeur, et d’ajuster le mix qui arrivera à ses oreilles en temps réel. Cela n’est possible qu’avec un son réalisé virtuellement avec des plugins de spatialisation, et ne sera pas possible avec un son naturel enregistré en binaural.
D’autre part, une grande partie de la perception spatiale dépend de la forme précise de nos oreilles et de notre anatomie en général (forme de la tête, forme des épaules, etc.). D’une personne à l’autre, le filtre fréquentiel que subit le son peut varier de manière significative. Ainsi, si j’enregistre en binaural depuis mes oreilles, et que vous écoutez ensuite l’enregistrement, vous pourriez percevoir un son au dessus de vous, alors que je l’aurais enregistré face à moi. La seule manière pour contourner cette limitation est de réaliser un mix dédié à chaque auditeur, ou à chaque famille d’auditeurs. C’est probablement un chemin qui suivra l’industrie du son.
En attendant, on a donc à notre disposition des sons binauraux mixés pour qu’ils satisfassent au plus grand nombre. Si vous êtes proches des propriétés morphologiques de la moyenne, vous aurez alors une perception très fine de la spatialisation. À l’inverse, si vous en êtes éloignés, vous percevrez aussi une spatialisation, mais probablement incohérente avec celle imaginée par le producteur…
Conclusion
Ce que je regrette beaucoup dans la communication à outrance que l’on voit ces dernières années sur les technologies binaurales, c’est que les défenseurs de ces techniques se placent en évangélisateurs, présentant la technique comme une révolution formidable, qui permet des merveilles.
Même si cette technique apporte des sensations vraiment intéressantes pour l’auditeur, je pense qu’il est important de relativiser, d’une part sur les performances de simulation réaliste de l’approche, comme nous l’avons vu ci-dessus, mais aussi sur le fait que cette approche est fréquemment exploitée par les gens qui réalisent un mix, même pour la stéréo. Ce n’est donc pas une révolution, mais plus une évolution des pratiques…