Lancé dans une série de lectures qui explorent les trajets d’humain·e·s entre continents, et profitant des acquisitions récentes de ma médiathèque de quartier, j’ai lu en décembre là où les chiens aboient par la queue, d’Estelle-Sarah Bulle.
J’avais lu juste avant Poussière rouge, de Jackie Kay, et j’y ai trouvé autant de similarités que de différences. Une narratrice, noire de peau, qui raconte son rapport à l’Europe, sa terre d’accueil, et qui regarde aussi vers la terre de ses origines proches. Une forme à la frontière entre autobiographie et roman, quelque chose qui interroge aussi beaucoup les gens qui font du son.
Dans là où les chiens aboient par la queue, l’autrice part à la rencontre de l’histoire de ses deux tantes et de son père, retraçant par ces conversations une trajectoire depuis la Guadeloupe jusqu’à Paris. Des années 60 dans cette ancienne colonie, du racisme, de la débrouille, des paysages, de la saveur des quotidiens. Des émeutes de mai 1967 à Pointe-à-Pitre et dans toutes l’île en général. De la condition des femmes dans cette culture créole, de l’attirance pour les produits du capitalisme métropolitain.
On se laisse entraîner, à découvrir ces vies, toutes les trois si différentes et si mêlées à la fois. Antoine est le personnage qui attire le plus l’attention du lecteur. La tante de la narratrice, dont le prénom évoque le riche équilibre du personnage, féminin certes, mais qui empreinte aussi parfois au champ du masculin…
L’arrivée en métropole est progressivement évoqué au fil du roman, l’autrice raconte pour chacun de ses personnages les espoirs, les déconvenues, la réalité.
Roman de la rentrée littéraire 2018, là où les chiens aboient par la queue a reçu un très bel accueil dans la presse, a été primé plusieurs fois. On s’en fout un peu quand on le lit, mais c’est bien de le savoir aussi.