Je lis de plus en plus de commentaires de gens qui concidèrent que les licences Creative Commons sont libres. Au delà du problème de confusion (il n’y a pas UNE licence CC, mais un panel de licences, depuis la CC-by-nc-nd jusqu’à la CC-by-sa), de plus en plus de personnes (1, 2) appellent libres des licences avec une clause Non-commercial ou No Derivatives… On a l’impression de revenir 20 ans en arrière !
En anglais, le mot free désigne à le fois libre et gratuit (ok, je ne vous apprends rien). Aussi, quand les anglophones parlent de logiciel libre, ils disent free as in freedom (littéralement libre comme dans liberté). Cette opposition est clairement marquée dans les discours autour de la culture libre, et on l’oppose à free beer, dans le sens gratuit. D’ailleurs, il existe des logiciels gratuits, mais pas libres. Les freeware en font partie, ce sont des logiciels gratuits, mais dont on ne dispose pas des sources, et qu’on ne peut modifier.
Cette courte introduction de l’histoire du mot free dans la culture libre permet de fixer les idées sur ce qui se fait dans le monde du logiciel. Dans le monde artistiques, les gens qui défendent l’idée que les clauses Non-commercial ou No Derivatives ne font pas perdre à une licence son caractère libre font un raccourci rapide qui rend équivalent freeware et logiciel libre (quand on transpose leur discours au monde du logiciel).
En effet, les oeuvres sous licence Non-commercial ou No Derivatives ne sont même pas librement redistribuables ! Si par exemple une association de promotion de la culture libre souhaite vendre un CD de musique libre pour une somme modique, elle ne pourra pas ! Dans ce cas, on a juste la « liberté » (hum) de télécharger cette oeuvre gratuitement sur le site de l’auteur. Et même là, le gratuitement, s’il est courant, n’est pas obligatoire (tout comme les licences libres, les licences à clause Non-commercial n’interdisent pas à l’auteur de les vendre). On obtient donc une licence qui n’a de libre que le nom : on ne peut la redistribuer que sous certaines conditions (un peu comme la machine virtuelle de Java par exemple, qu’on ne peut distribuer que si on ne distribue pas une autre machine virtuelle)…
D’autre part, la clause No Derivatives sape toute possibilité de commencer à construire une oeuvre collective. C’était l’une des idées fortes de Stallman quand il a créé le GNU project : offrir à tous le produit de la création des générations d’avant, participer tous ensemble au façonnement d’un édifice commun… Avec les licences No Derivatives, on perd toute cette dimension, et chacun se retrouve dans son bac à sable, sans la liberté de profiter des créations des autres…
Bien terne est donc le monde de la licence CC-by-nc-nd… Certes, elle correspond à des besoins, répond à des peurs, mais n’est PAS LIBRE !
Les gens qui défendent cette licence pour les créations artistiques disent : « mais vous vous rendez compte, créer des oeuvres ça coûte de l’argent, du temps, et on ne peut pas se permettre que d’autres gagnent de l’argent avec notre labeur ». Hum. Pensent-ils que les développeurs du libre, les traducteurs, tous ces gens, vivent d’amour et d’eau fraîche ? De nombreuses entreprises, en redistribuant ces oeuvres libres (car les logiciels sont des créations, des oeuvres) se font de l’argent, qui ne va pas directement aux développeurs… De la même manière, de nombreux développeurs ont une idée précise de ce que doit être leur logiciel, et guident fortement leur développement. Pour reprendre les propos de ttoine, « »«Développer un logiciel, c’est une synthèse de culture, d’expériences, et d’émotions personnelles à un moment donné. » » ». Et il arrive que d’autres personnes n’en soient pas satisfaites, et fassent des forks de ces logiciels, apportent des modifications non souhaitées par le développeur original, et en fassent un autre logiciel.
Pourquoi ce type de comportement gènerait-il l’auteur d’une oeuvre d’art ? On saurait très bien que ce n’est plus le même auteur, mais qu’il s’est appuyé sur le travail d’un autre !
Tout ceci donne l’impression que de nombreux artistes qui ont surfé sur la vague des licences CC accèptent l’idée du (soi-disant) libre uniquement pour faciliter la diffusion de leurs créations, mais en aucun cas pour apporter plus de droits et de libertés à leurs auditoires… Des sites comme Jamendo offrent une plateforme de diffusion puissante à ces artistes, où l’aspect commercial sous-jacent est estompé par une liberté qui n’en est pas une.
En somme, soyez libres, créez sous licence Art Libre !
Edit : pour approfondir ces questions, j’ai commencé sur une page dédiée à répondre à des interrogations liées aux créations artistiques sous licence libre.
je suis de tout coeur avec vous !!!!!! Jamendo kler ya pas longtemps que je connais mais un ami tres cher ma apprit tout sa !!! et je souhaite m’appronfondir dans vos positions !! Amitiés a tous !!!!!
Je rejoins bien sûr tout ce que tu dis. C’est pas toujours évident à expliquer. Et puis il y a les compromis …
Pour jamendo, je sais pertinament que c’est pas encore le pied par rapport au libre. As-tu des alternatives à me proposer ? Car faute de mieux, je m’en contente, et c’est déjà « moins pire » :-/
La licence Art Libre est une solution simple pour les artistes…
Pour les auditeurs, il y a dogmazic, anciennement http://musique-libre.org…
Mais le message essentiel que je voulais faire passer ici c’est : « soit vous faites de la musique sous licenc vraiment libre, et alors vous dites libre, soit vous faites de la musique sous une licence non libre, et vous arrêtez de mentir à vos auditeurs »…
Ceci dans le cadre plus général de discussions sur jamendo ou encore http://libre-attitude.org …
Tiens paf je fesse dans le consensus. Vous m’excuserez de faire mon troll velu très cher, mais dire qu’un code source transporte des émotions, ca me fait ricaner doucement. Personnellement, je n’en ai pas encore rencontré qui m’émeuvent particulièrement, qui m’amuse un peu ou qui me distraie. Ça fait son boulot et basta. Après il y a des questions d’élégance de code, j’en conviens, mais l’élégance n’est certainement pas la préoccupation première du codeur. Ou alors je veux des exemples. Mais des vrais hein, pas des concours de geek genre c’est moi que je code le plus crade du monde. Non non, un type qui s’est dit : « je vais écrire un code qui va tirer des larmes aux gens, tant pis si ca ne compile même pas ».
Bref, le code n’a rien de personnel, c’est un outil pour arriver à un but, qui éventuellement est lui plus personnel.
Comparons avec l’écriture. Je parle d’écriture au sens restreint, excluant les manuels techniques ou les articles de wikipédia. Considérons seulement ici le roman, la poésie, ce genre de choses où l’auteur exprime des opinions, des sentiments, des pensées, de s visions qui lui sont personnelles. Personnellement, ca me ferait un peu chier que quelqu’un débarque, coupe à la tronconneuse dans mon texte, rajoute des idées à lui et produise au final un truc qui n’a strictement plus rien à voir avec ce que je tentais d’exprimer et qu’au final, mon nom soit associé à un texte qui est peut-être en total désaccord avec mes opinions.
Attention, je ne dis pas que je serai faché qu’on reprenne un univers que j’aurai eventuellement crée, je trouverai ca plutot flatteur. Un personnage, j’aimerai déjà moins, mais admettons. Mais des bouts de texte copié collé, ca serait vraiment outrepasser le bon goût. Bon, je constate quand même que cela se pratique peu, même avec des textes dans le domaine public. Ou alors j’ai raté Dracula Vs Gavroche, je suis tombé par terre, mais je reviendrai mouahahaaha. Tiens j’ai peut-être un concept là.
Donc bon, on peut crier au détournement du terme libre, mais reste que libre d’être diffusé et reproduit, c’est à mon sens le maximum qu’on puisse attendre d’une création artistique.
Tout d’abord, je ne reviendrais pas sur ton opinion quant à l’aspect artistique d’un code. Nous avons choisi dans l’association Libre Attitude de parler de créateurs et de créations, pour ne pas s’arrêter sur ces questions pour lesquelles chacun a une réponse différente.
Si on s’intéresse maintenant à la question de mettre ses créations artistiques (classiques on va dire : dessins, musique, textes, etc) sous une licence libre, il est vrai que de nombreuses personnes ne le souhaitent pas, et ce pour plein de raisons. C’est un choix personnel.
Mais je pense que tu confonds plusieurs choses. D’une part il y a la question de la licence, qui permet de distribuer l’oeuvre, et d’autoriser les modifications. Et d’un autre côté il y a la paternité du texte.
Quand tu produis une oeuvre non libre, et qu’on te cite, on peut modifier tes propos, voire les corrompre complètement. Dans ce cas il sera clair pour tous que tu n’es pas l’auteur à 100% du nouveau texte produit. Et si jamais quelqu’un en doute, tu peux sans problème l’affirmer haut et fort, publier (sur internet ou autre part) TA version. Personne n’aura alors de doutes sur ton opinion.
Le fait de publier ses créations sous licences libres apporte les mêmes possibilités : on utilise ton texte en le modifiant, mais tu es toujours l’auteur de la version originale, et c’est celle qu’on t’attribuera. Il n’y a aucune différence de ce point de vue.
La seule différence viendra de la facilité à réutiliser de la matière libre que d’autres ont produit, pour tes créations.
Il est vrai que les graphistes trouvent plus souvent cela intéressant que les gens des lettres. Sans doute une question de culture…