Faire les choses à moitié

Quand on milite pour une cause que l’on consi­dère impor­tante, il existe plu­sieurs manières de le faire. Depuis la posi­tion intran­si­geante jus­qu’à un cer­tain laxisme compatissant.

Si l’on prend l’exemple du Logi­ciel Libre, on trouve par­mi les gens convain­cus de la jus­tesse de cette cause plu­sieurs atti­tudes : l’in­tran­si­geance des gens qui n’en­vi­sagent de pro­mou­voir et d’ai­der à ins­tal­ler que des logi­ciels libres, évi­tant par exemple de pré­sen­ter des dis­tri­bu­tions pro­po­sant des logi­ciels pro­prié­taires. À l’in­verse, cer­taines per­sonnes pensent que l’on doit pro­po­ser ces sys­tèmes d’ex­ploi­ta­tion par­se­més de logi­ciel pro­prié­taire quand « il n’y a pas d’autre solu­tion, et puis tout le monde a besoin de flash… » et que sans cette solu­tion, les gens fui­ront le Logi­ciel Libre car il serait incom­plet en terme de fonctionnalité.

On retrouve ce type de dilemne par exemple dans le végé­ta­risme. Ain­si, cer­taines per­sonnes militent pour l’a­bo­li­tion de la viande che­va­line. Or, je pense que c’est une erreur. En effet, cela implique que l’on consi­dère cer­tains ani­maux comme plus man­geables que les autres. Mais pour­quoi ? Le che­val, s’il est éle­vé pour la viande, comme la vache, pour­quoi un omni­vore refu­se­rait d’ar­rê­ter d’en man­ger alors qu’il consomme du bœuf ? Pour aller plus loin, si cette abo­li­tion était accom­plie, alors je crois que rien ne pous­se­rais les consom­ma­teurs à arrê­ter de consom­mer de la chair d’un autre ani­mal. Les gens qui militent pour l’a­bo­li­tion de la viande che­va­line disent que « ça serait un bon début. » Je pense qu’au contraire, ça ne sert à rien, dis­perse les éner­gies, et ras­sure les omni­vores qui consomment une autre chair (« je ne fais rien de mal, c’est la chair du che­val que l’on doit éviter. »).

De la même manière, on parle beau­coup en ce moment dans le milieu de la défense du droit des ani­maux de Bri­gitte Bar­dot (qui a quelques démè­lés avec la jus­tice). Cer­taines per­sonnes disent « mais elle a fait pas mal de bonnes choses pour les ani­maux, on peut la cri­ti­quer pour ses prises de posi­tions racistes, mais il faut se sou­ve­nir de ce qu’elle a fait pour les phoques par exemple. » Mais si l “on prête atten­tion à ses prises de posi­tion au sujet des ani­maux, on remarque qu’elles sont tou­jours orien­tées vers les ani­maux « mignons ». Cette prise de posi­tion spé­ciste, si d’un pre­mier abord semble être favo­rable à la condi­tion ani­male, peut aus­si je pense entraî­ner l’ef­fet inverse, car il n’y a pas que des ani­maux que l’hu­main trouve mignons…

En conclu­sion, je pense donc que faire les choses à moi­tié est loin d’être effi­cace quand l’on défend une idée, et que d’une cer­taine manière, cela nuit à la dif­fu­sion d’i­dées qui auraient été mieux véhi­cu­lées par un dis­cours clair et sans concession.

9 thoughts on “Faire les choses à moitié”

  1. Je suis assez par­ta­gé sur cette ques­tion, qui n’est pas si simple que ça.

    En ce qui concerne les logi­ciels libres, je les uti­lises le plus pos­sible, mais quand j’ai un besoin qui n’est pas satis­fait par une solu­tion libre, je me per­mets d’u­ti­li­ser des solu­tions pro­prié­taires, par exemple pour la pho­to il m’ar­rive – de moins en moins – d’u­ti­li­ser un logi­ciel pro­prié­taire de trai­te­ment bien connu. Pour reprendre l’exemple des sites en flash, j’ai aus­si un lec­teur ins­tal­lé sur mon sys­tème qui me per­met de consul­ter des sites que j’aime bien.

    En ce qui concerne le végé­ta­risme, je suis végé­ta­rien, végé­ta­lien (aucun pro­duit ani­mal) à la mai­son. À l’ex­té­rieur, quand je suis invi­té par exemple, je fais des conses­sions et je ne mange « que » végé­ta­rien. Si l’on pous­sait le pro­blème à fond, il fau­drait aus­si ne plus man­ger de bananes, de café, de cho­co­lat qui sont culti­vés par des per­sonnes (qui sont aus­si des ani­maux) qui sont exploi­tées dans des condi­tions misé­rables. Il m’ar­rive pour­tant d’en consom­mer, et il y a plein d’autres pro­duits comme ça.

    Concer­nant Bri­gite Bar­dot, je ne connais pas assez le per­son­nage pour en parler.

    Je ne suis pas mili­tant dans l’ame, mais si je m’y enga­geais j’au­rais des posi­tions plus fortes que ce que je fais dans la vie. Ça peut paraître para­doxal, mais je pense qu’il faut reven­di­quer ses idéaux, même si on ne les à pas atteint soit même, qu’on en est seule­ment sur la voie. Mais ça peut paraître hypo­crite à son audi­toir, et fina­le­ment deser­vir, ou moins bien ser­vir, la cause pour laquelle on se bat. Celà dit, il ne faut pas cra­cher dans la soupe non plus et ne pas déni­grer les per­sonnes qui ne font pas (ou ne reven­diquent pas) les choses à fond (y en a t’il qui le font ?) chaque petit pas est impor­tant et il faut par­fois y aller dou­ce­ment, étape par étape pour tou­cher l’es­prit des gens.

    Il y a aus­si des com­bats moins impor­tants que les autres, qui peuvent se per­mettre plus de conses­sions. Par­mis les deux exemples de cet article, le com­bat pour le « tout libre » me semble bien déri­soir par rap­port à celui du végétarisme.

  2. Je com­prends assez bien ce que tu dis. Pour reve­nir sur « je les uti­lises le plus pos­sible, mais quand j’ai un besoin qui n’est pas satis­fait par une solu­tion libre, je me per­mets d’utiliser des solu­tions pro­prié­taires » je le fais aus­si, mais à de rares occa­sions (essen­tiel­le­ment dri­vers pro­prié­taires nvi­dia sur un por­table pour éco­no­mi­ser de l’éner­gie, flash quand c’est nécessaire).
    Excep­té ça, je fuis le logi­ciel propriétaire…

    « Il y a aus­si des com­bats moins impor­tants que les autres, qui peuvent se per­mettre plus de conses­sions. Par­mis les deux exemples de cet article, le com­bat pour le “tout libre” me semble bien déri­soir par rap­port à celui du végétarisme. »
    Là, je pense que cer­tains lec­teurs de ce blog ont pen­sé exac­te­ment l’in­verse. Je n’ai pas choi­si inno­cem­ment ces thèmes, car je pense que sui­vant son vécu, on consi­dère l’un ou l’autre comme prio­ri­taire, et que ce n’est pas for­cé­ment le même pour tout le monde.

  3. La dif­fi­cul­té, c’est que dans l’ab­so­lu, il n’y a aucune limite, aucune contrainte … dans la réa­li­té, il y a des indi­vi­dus et des groupes avec des posi­tions dif­fé­rentes, un sys­tème social domi­nant, des contraintes éco­no­miques, etc etc … For­cé­ment, à un moment ou un autre, il y a des com­pro­mis à faire.

    Après, ce que je trouve dom­mage c’est de par­tir déjà vain­cu, en pre­nant comme point de départ le consen­sus prêt à être accep­té par plus ou moins n’im­porte qui. Dans un tel cas, finie la confron­ta­tion des argu­ments, des expé­riences, des idées, et, quelque part, de toute volon­té de progression.

  4. Concer­nant le vege­ta­risme, c’est un peu bizarre comme posi­tion, sur­tout si on consi­dere que les grosses vic­toires des veges se sont faites contre des indus­tries tres spe­ci­fiques, en atti­rant la sym­pa­thie de la plebe qui n’a pas a chan­ger ses propres habi­tudes de vie. Ain­si des gros vian­dards qui ne renon­ce­raient pas a leur steak quo­ti­dien trouvent abo­mi­nable le com­merce de la four­rure, ignoble le gavage des oies et sans-coeur de man­ger du cheval.

    J’a­vais l’im­pres­sion que c’e­tait l’angle d’at­taque actuel : sau­ver ce qui peut l’etre faci­le­ment et faire pro­gres­ser dou­ce­ment les men­ta­lites. On ne renie pas sa cause et en meme temps on obtient des avan­cees plus sub­stan­tielles qu’a­vec une intran­si­geance totale.

    Tiens par contre une ques­tion hors sujet concer­nant le spe­cisme en matiere de bouffe : ca s’ar­rete quand le res­pect de la vie ? Genre en quoi c’est plus genant de man­ger une four­mi qu’une salade ?

  5. Pour répondre à ta ques­tion sur le spé­cisme en matière de bouffe, je vais te don­ner mon point de vue. Je ne pense pas qu’il soit unique par­mi les anti­spé­cistes, mais c’en est un.
    On part du prin­cipe qu’on doit se nour­rir. Pour l’ins­tant, on n’est pas capable de se nour­rir avec autre chose que des êtres vivants (notam­ment végé­taux). Il faut donc faire un choix par­mi les êtres vivants que l’on va consom­mer ou non.
    On pour­rait bien sûr faire un choix aléa­toire des êtres vivants que l’on consom­me­rait. Il existe une autre manière, qui consiste à s’at­ta­cher à ce qu’on com­prends des êtres vivants, notam­ment de l’im­por­tance d’un sys­tème de neu­rones pour trans­mettre les sen­sa­tions, et donc la conscience du monde en interaction.
    Bien sûr, tu vas cer­tai­ne­ment me répondre (je crois qu’on a déjà eu une dis­cus­sion sem­blable) que la plante aus­si inter­agit avec son uni­vers, que peut-être on n’a juste pas la capa­ci­té de juger et de com­prendre de sa conscience.
    Mais on doit faire avec ce que l’on sait, et comme il faut bien se nour­rir, le choix du végé­ta­risme cor­res­pond à cette réflexion car­té­sienne sur les êtres qui nous entourent.

  6. C’est une bonne remarque J. Je pense que l’an­tis­pe­sisme des végé­ta­riens a quelque chose d’as­sez dog­ma­tique et contra­dic­toire quelque part, tout du moins à pre­mier abord. Il est faus­sé car il est basé sur un prin­cipe de com­pa­rai­son avec notre propre espèce. L’on peut bien com­prendre ce qu’est la sen­si­bi­li­té et la souf­france ani­male car nous la res­sen­tons, nous même, en tant qu’a­ni­maux. Il est donc facile de mettre les ani­maux sur un pied d’é­ga­li­té avec nous, concer­nant ces aspects. Concer­nant les végé­taux, de par notre nature dif­fé­rente, nous ne pou­vons pas faire ce tra­vail de com­pa­rai­son et nous pla­çons faci­le­ment une bar­rière entre ces deux règnes. Ce qui parait contra­dic­toire, c’est que la théo­rie anti­spé­cisme prône le prin­cipe de pré­cau­tion, qui vou­dait que dans le doute nous devrions nous abs­te­nir, hors nous ne savons pas grand chose du res­sen­ti des plantes.

    Ensuite il y a l’as­pect pra­tique, nous avons besoin de man­ger d’autres êtres vivants pour vivre, c’est une condi­tion maté­rielle que l’on ne sais pas outre­pas­ser. Et même en met­tant tous les êtres vivants sur un pied d’é­ga­li­té, il nous fau­drait bien en consom­mer cer­tains. Pour­quoi des plantes plu­tôt que des ani­maux ? Nous ne savons pas grand chose des plantes, peut-être souffrent-elles, ont-elles une sen­si­bi­li­té, même si dif­fé­rente des ani­maux, qu’il ne faut pas négli­ger. A ce stade, en consi­dé­rant que tout les êtres vivants sont à même de souf­fir, de res­sen­tir, il faut trou­ver une solu­tion et nous allons nous mettre en quête de géné­rer le moins de suf­france pos­sible. Les ani­maux mangent des plantes. Man­ger des ani­maux revient à faire souf­frir et des ani­maux et des plantes. Man­ger des plantes revient à ne faire souf­frir que des plantes, et dans des quan­ti­tés moins impor­tante (perte d’éner­gie au cours de la chaîne ali­men­taire) que celles qu’ont man­gés les ani­maux que l’on retrouve dans notre assiette.
    (pour les four­mis, je t’a­voue­rai que ça ne me pose pas d’é­normes pro­blèmes de conscience)

  7. Je suis abso­lu­ment d’ac­cord avec toi !
    Même si je me dis que si on inter­di­sait la consom­ma­tion de viande che­va­line « ça serait déjà ça », ça ne change pas le fait que c’est contri­buer à impo­ser une échelle de valeur de la vie animale.
    Quant à B.B, elle n’est même pas végé­ta­rienne puis­qu’elle consomme du pois­son, je trouve qu’elle entâche la vision de la cause ani­male, et même si elle a contri­bué à la lutte contre le com­merce de la four­rure ; elle passe main­te­nant pour l’hur­lu­ber­lu de ser­vice (vous voyez la vieille avec les chats des Simpson ?)

  8. Et bien, il fau­drait aus­si arrê­ter de mar­cher sur les pavés ou le gou­dron parce que ces choses là pour­raient aus­si souf­frir. Et bien, quoi ? C’est une hypo­thèse tout autant per­ti­nente, non ?
    Le prin­cipe de pré­cau­tion, c’est bien, oui, dans le cas où il y ait un doute, pas lorsque on peut for­mu­ler une quel­conque consi­dé­ra­tion far­fe­lue telle que la capa­ci­té des plantes de res­sen­tir la dou­leur. Hors, ici, le prin­cipe de pré­cau­tion ne s’ap­plique pas.

    bar­bux , la prise de compte du rôle de la sen­tience comme cri­tère per­ti­nent pour la prise en compte des inté­rêts d’un orga­nisme n’est pas une posi­tion anthro­po­cen­trique ni aléa­toire comme tu le pré­sentes. Il est donc facile, oui, tout à fait, de mettre les ani­maux (en tout cas avec beau­coup de sûre­té, cer­tains) sur un pied d’égalité avec nous, concer­nant ces aspects. Et bien, quoi ? Est-ce que facile veut dire « faux » ou « dangereux » ?

  9. J., le pro­blème avec le spé­cisme et sa remise en ques­tion n’a rien à voir avec un cer­tain soit-disant « res­pect de la vie »… c’est dom­mage mais c’est un lieu com­mun dans lequel beau­coup de per­sonnes tombent. La sen­tience est le cri­tère fon­da­men­tal pour la prise en compte des inté­rêts d’un indi­vi­du (les inté­rêts découlent, pri­mai­re­ment de la capa­ci­té pour être sen­tient) et non pas de la « vie ». Ain­si, c’est très arra­ché par les che­veux comme hypo­thèse mais sup­po­sons qu’un jour il se peut qu’il y ait des machines sen­tientes : elles seront guère vivantes mais cepen­dant elles auront pro­ba­ble­ment l’in­té­rêt de ne pas souf­frir. La posi­tion du res­pect de la vie n’est guère logique : sans avoir comme réfé­rence la sen­tience cette posi­tion tombe vite sur des contra­dic­tions. Une plante ne peut pas être dite méri­teuse de res­pect par le simple fait d’être vivante… si elle n’est pas sen­tiente. La vie est un cri­tère arbi­traire… pareil pour un orga­nisme qui a per­du toute capa­ci­té sen­so­rielle, sen­tiente, consciente (coma céré­bral pro­fond, etc).

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