Dans un précédent article, je racontais une manière de s’adapter à l’enseignement à distance. Certains de mes collègues ont complété en commentaire de l’article, décrivant leurs pratiques, et je les en remercie.
J’utilise donc GNU/Linux, mais pour diverses raisons c’est le logiciel Teams de Microsoft qui est mon outil quotidien d’enseignement. Que ce soit cet outil ou un autre, il est souvent difficile de faire écouter aux personnes qui participent à la séance le son d’un autre logiciel. Dans ce nouvel article, je vous raconte comment faire cela, mais aussi comment envoyer les voix des personnes qui participent dans tout autre logiciel.
Exemple d’utilisation
Nous animons depuis trois ans avec ADVOX et pour le Service Université Culture de l’UCA un atelier d’audiodescription. Cette année, conditions sanitaires obligent, il se déroule à distance.
Dans cet atelier, on explore avec les personnes participantes tous les aspects de l’audiodescription, depuis l’analyse filmique jusqu’au montage et mastering, en passant par l’écriture et l’enregistrement.
Voici un court extrait d’une séance ou l’une des personnes qui participe à l’atelier dit depuis chez elle l’audiodescription. C’est mon ordinateur qui enregistre, puis je réalise le montage, guidé par les participantes et participants. Enfin, on écoute le résultat.
Le logiciel que j’utilise ici est Reaper. Tout comme Teams, ce n’est pas mon outil quotidien, mais nous avons fait ce choix pragmatique car c’est un logiciel gratuit (en version d’essai infinie) sur tous les systèmes d’exploitation, et il est massivement utilisé, notamment par les radios locales. Ce que je raconte par la suite fonctionne parfaitement avec n’importe quel logiciel de montage son, comme Ardour ou Audacity par exemple.
Pour cet usage, j’ai donc deux besoins distincts :
faire entendre et voir aux personnes présentes le logiciel de montage son
enregistrer dans ce logiciel ce que disent les personnes présentes.
Un autre exemple d’utilisation pourrait être l’enregistrement d’interviews à distance, pour lesquelles j’ai précédemment proposé un état des lieux des possibilités.
Dans la suite, je vous propose deux solutions, dans l’ordre où je les ai essayées. Ma préférence va à la seconde, mais vous pourriez avoir besoin d’utiliser la première. Bien sûr, tout cela marche sous GNU/Linux, et il faudrait trouver des équivalents sur les autres systèmes d’exploitation. Il me semble que la deuxième solution est possible.
Première solution avec Pulseaudio
Depuis quelques années maintenant, Pulseaudio est le serveur de son utilisé par les bureaux et distributions majeures sous Linux. Son rôle est de permettre à l’utilisateur de choisir pour chaque logiciel vers quel sortie son il va envoyer le son, à quelle intensité sonore, etc.
C’est le compagnon idéal du quotidien, qui me permet par exemple d’écouter une conférence dans le casque branché sur mon ordinateur pendant que ma fille écoute une histoire audio sur l’enceinte Bluetooth connectée au même ordinateur.
Il faut un peu jouer d’astuce pour réussir à diriger du son entre logiciels grâce à Pulseaudio. Le principe consiste à créer des cartes son virtuelles. Pour réussir ça, il faut lire la doc et utiliser quelques lignes de commande bien senties, ou utilise le petit script conçu par Arnaud Venturi, après l’avoir édité pour qu’il corresponde à nos besoins. Arnaud propose le schéma suivant pour raconter comment cela fonctionne :
Dans son utilisation, Arnaud utilise mplayer pour faire écouter un film à son auditoire en vidéoconférence. Le son de mplayer est déparé en deux grâce à une carte virtuelle, puis envoyé à la fois dans les enceintes et dans une seconde carte son. Cette seconde carte son intègre le son de mplayer celui du micrphone pour envoyer le tout dans la vidéoconférence.
Cette première approche permet de résoudre l’une de mes problématiques, mais il faudrait aller un peu plus loin pour récupérer aussi le son de la vidéoconférence à l’aide d’une autre carte son virtuelle pour l’envoyer dans un logiciel de montage son, si on voulait enregistrer la voix des personnes qui participent à la visio.
Deuxième solution avec le serveur jack
Le serveur jack est aussi un serveur de son dont l’objectif est de se rapprocher du temps réel. C’est LE serveur de son de celles et ceux qui font du montage son ou du son en temps réel sous GNU/Linux. Il est aussi disponible pour MacOS X et Windows, mais je ne je n’ai jamais essayé sur ces plateformes.
Pour lancer jack, j’utilise Cadence, une des applications proposées par KXStudio, qui propose notamment un pont direct avec Pulseaudio. On laisse donc toutes les applications courantes (navigateur, lecteur son, logiciel de visio) se connecter à Pulseaudio, et le pont (bridge en anglais) se charge de faire communiquer ces logiciels avec ceux qui vivent du côté de jack, en temps réel.
Le principe consiste ensuite à utiliser le logiciel de montage son en le connectant à jack (c’est comme ça qu’il marche le mieux), puis à utiliser les facilités de jack pour router le son entre ce logiciel et le pont pulseaudio. J’utilise pour ça le l’interface Catia, qui facilite grandement ces branchements. En quelques clics glissés, on connecte nos logiciels.
Le dernier détail consiste à régler le logiciel de visio sur les entrées et sorties qui correspondent au pont vers jack depuis Pulseaudio :
Cette solution est très flexible, on peut imaginer plein d’autres solutions de routage. Attention cependant, si votre logiciel de traitement de son est réglé en mode playback durant les enregistrements (c’est-à-dire qu’il rejoue le son qu’il enregistre), les personnes à distance entendront le son en double. Dans ce cas, au moment de l’enregistrement, il est important d’enlever temporairement le lien de son sortant de Reaper vers Pulseaudio.
Bien sûr, tout ce que j’ai écrit ici fonctionne parfaitement avec Ardour et jitsi par exemple, si l’on veut utiliser une solution 100% libre.
Voilà maintenant bientôt une année que l’on a pris l’habitude forcée de se rencontrer virtuellement. C’est toujours quelque chose d’un peu déroutant, voire pesant, quand il s’agit de moments que l’on aurait voulu vivre « en vrai ». Je me souviens de ce petits moments de gêne quand on se retrouvait en famille ou pour des échanges avec les copains et les copines, parce que tout le monde n’avait pas la même aisance avec l’outil.
Évidemment, quand on enseigne, c’est pareil. On n’a pas forcément la pleine maîtrise des outils que l’on doit solliciter pour animer un cours à distance, ni la maîtrise des conditions matérielles nécessaires. Les étudiants et étudiantes non plus n’ont pas forcément l’environnement propice, ni l’aisance technique pour trouver leur chemin dans cette nouvelle manière de partager.
En une petite année, j’ai adapté ma pratique, puisé dans différentes expériences passées, adapté, imaginé les choses. C’est venu assez vite finalement, et je pense avoir suffisamment réfléchi et expérimenté pour faire un premier retour d’expérience ici.
Ce qui alimente ma pratique
Depuis mon entrée à l’université, de nombreuses activités associatives, étudiantes et professionnelles m’ont amené à utiliser les outils du numérique et d’internet. Bien sûr en tant que participant actif, avec les listes de diffusion, les espaces de discussions textuelles en direct (IRC, chats, discord, etc.), avec les outils de rédaction collaborative (wikis, etherpads, documents partagés, etc) et les outils de dessin collaboratif, mais aussi avec des espaces de vulgarisation, comme ce blog par exemple. C’est aussi comme spectateur régulier de chaînes YouTube de vulgarisation (mais pas que), et plus récemment des pratiques de vidéo en direct, notamment sur la plateforme twitch que je me suis approprié des mécanismes d’animation de vidéo.
De ces expériences émergent naturellement des réflexes, une culture (celle de la netiquette par exemple), une facilité à penser un contenu multimédia.
Mais peut-être plus fondamentalement encore, plus de dix années de pratiques radiophoniques m’ont amené à progressivement penser mes enseignements comme des émissions de radio, en utilisant nombre de mécanismes d’animation, de structuration, de construction de séances.
La bascule en enseignement à distance m’a amené à réunir et consolider toutes ces pratiques avec un seul objectif : rendre la modalité d’enseignement à distance la moins douloureuse pour mes étudiants et étudiantes, en leur proposant le format le plus adapté que je pouvais à la situation.
Dans la suite de ce texte, je vous propose quelques réflexions, développements et idées de pratiques issues de cette consolidation. C’est bien sûr intimement lié à ma pratique des outils numériques, et assurément il existe plein d’autre manières de faire.
La relation aux étudiants et étudiantes
À l’arrivée dans nos vies quotidiennes de la visio universelle, nombre étaient les personnes à souffrir de la dimension déshumanisante du dispositif. Il est certain que les pratiques de la vie réelle sont énormément imprégnées d’éléments de communication non verbales qui facilitent la compréhension, aident à construire des liens, à faciliter les échanges.
Avec les enseignements à distance, il est indispensable de trouver des mécanismes pour remplacer ces facilitateurs de transmission. L’un des enjeux de cette problématique consiste pour moi à créer les conditions pour que toutes les personnes qui participent à un échange par visio aient conscience qu’elles sont toutes des humaines et des humains qui s’approprient des outils et des mode de fonctionnement ensemble.
Les mécanismes de narration, d’usage de l’image, du son et des modalités participatives sont je crois des ingrédients importants de cette ré-humanisation, et je prendrai le temps de les développer plus bas.
Mais plus encore, je suis convaincu que la distance imposée par les écrans ne peut qu’amener à des mécanismes d’humilité, à l’opposé des pratiques que l’on rencontre parfois dans les amphis où un cours magistral est déroulé depuis une position de sachant absolu. Alors bien sûr, le sujet que l’on porte en cours est un sujet que nous maîtrisons, et il s’agit de transmettre aux étudiants et étudiantes notre expertise. Mais il ne faut pas cacher tout ces petits détails d’approximations liés aux outils (après tout, un enseignant grogne quand une craie se casse au tableau noir, l’analogie est de ne pas dissimuler un petit bug). Au delà de ça, il faut aussi accepter l’idée que les participants et participantes aient accès, en même temps que la séance se déroule, à des moteurs de recherche qui leur permettent d’explorer les connaissances humaines sur le sujet que l’on développe. Considérer cela me semble indispensable. L’intégrer dans sa pratique pédagogique est une piste intéressante, qui pousse naturellement à l’animation de séances avec modalités participatives (j’en reparlerai plus bas).
Finalement, on se retrouve dans la situation de celui ou celle qui apprend à apprendre. Plutôt que de déverser un savoir dans un flux unidirectionnel, nous sommes poussés à transmettre notre manière d’explorer un sujet nouveau. C’est alors l’occasion de partager une des expertises que nous avons en tant que chercheurs et chercheuses, celles d’être des experts de la construction de synthèses, de la vision d’ensemble de l’existant.
Voir et faire voir
La configuration de travail qui me semble indispensable à l’animation d’une séance réussie intègre (au moins) deux écrans.
Le premier sera l’écran partagé, celui que l’on montre aux personnes qui assistent à la séance. Il ne contient rien qui puisse déranger la vue, pas de barre de menu, pas d’icônes. C’est un tableau vierge, sur lequel on va venir présenter des documents.
Le second écran sera nos coulisses. Il contient à la fois le logiciel de visio et nos notes de cours personnelles. Il est indispensable d’avoir régulièrement son regard qui glisse vers la fenêtre du logiciel de visio, car les participantes et participants peuvent utiliser le chat pour intervenir à l’écrit, ou utiliser les mécanismes de main levée pour demander la parole s’ils n’osent pas le faire directement. Je décrirais plus tard les techniques que j’utilise pour solliciter ces retours, et ainsi avoir une séance vivante.
Les notes de cours ne sont pas obligatoires si on a bien en tête son déroulé, mais il m’arrive aussi d’animer des séances avec d’autres intervenants et intervenantes, et il est alors indispensable d’avoir un déroulé de séance rédigé pour réussir à garder une bonne synchronisation (cela nécessite plus d’attention que quand on est dans la même salle).
Sur l’écran que je partage avec les participantes et participants, il y a toujours ou presque quelque chose d’affiché. Soit j’utilise un support de cours préparé à l’avance, soit j’utilise un logiciel de dessin (j’aime bien mypaint et son image virtuellement infinie), avec une tablette graphique pour noter les points principaux, exactement comme je le ferai au tableau dans une salle, soit j’utilise un éditeur de texte pour prendre des notes structurées. Je navigue d’ailleurs très souvent entre un support préparé à l’avance et un document que je construis devant leurs yeux, et que je leur enverrai à la fin de la séance.
Bien sûr, je rappelle aux étudiants qu’ils se doivent de prendre des notes, car les documents écrits que je partage avec eux ne sont pas complet, on dit des choses qui ne sont pas écrites. Cependant, je n’ai pas envie qu’ils perdent de temps à faire des captures d’écran de ce que je projette, donc j’essaye de partager avec eux tout ce qui est passé par l’écran, ou j’utilise le copier/coller dans le chat de la visio, par exemple pour les liens des sites projetés.
J’utilise aussi facilement un moteur de recherche, wikipédia, etc. pour connecter ce dont je parle au reste des supports qu’ils pourront retrouver ensuite. Et j’utilise souvent des outils collaboratifs, j’en parlerai plus bas.
Se faire entendre
Que ce soit sur les chaînes Youtube, dans les émissions de radio, ou même dans une salle d’amphi, je trouve que l’élément fondamental pour suivre un exposé, c’est de bien entendre l’orateur. C’est sans doute une déformation liée à une pratique radiophonique régulière, mais je prends un grand soin à proposer une captation sonore la plus propre possible à mes étudiants et étudiantes. J’utilise donc un micro dynamique destiné à la voix, souvent utilisé sur scène (en l’occurrence un AKG D5, moins cher mais assez équivalent à l’incontournable Shure SM58), et une carte son externe pour régler au mieux la prise de son et le retour casque.
Car oui, pour éviter tout écho désagréable, il est indispensable de porter un casque quand on fait de la visio. Si on ne le fait pas, le logiciel de visio doit utiliser des algorithmes de filtrage pour que le son reste audible, et ça entraîne de grosses baisses de qualité…
un micro, une carte son
J’installe mon micro sur un pied, équipé d’une bonnette, et il pointe vers ma bouche sans être exactement dans l’alignement pour éviter tous les problèmes de saturation des plosives.
L’intérêt principal des petites cartes son comme celle que j’utilise, c’est qu’en plus d’entendre dans le casque les sons qui viennent de l’ordinateur, on peut doser la proportion de son en provenance directe du micro. Comme à la radio, je dose les retours afin de m’entendre à peu près au même niveau que quand les étudiants et étudiantes parlent. Ça me permet de placer ma voix, de m’apercevoir si je ne parle pas assez fort, ou encore de moduler conjointement la proximité du micro et l’intensité de ma voix pour changer d’intention. C’est aussi un moyen très pragmatique de réduire l’impression de parler dans le vide.
Passer régulièrement d’une voix posée et proche du micro à une voix plus puissante et éloignée du micro permet de casser la monotonie, d’associer une intention aux différents moments de la séance… Comme à la radio, les étudiants et étudiantes nous entendent souvent sans nous voir (s’ils regardent un document que l’on partage). Il est donc essentiel de marquer les intonations, de jouer son personnage, de placer un sourire dans sa voix, pour faciliter l’écoute.
Animer une séance
On retrouve dans les live Facebook, Youtube ou Twitch, dans l’animation d’une émission de radio et l’animation d’un cours des pratiques communes, notamment dans les interactions avec les participants et participantes, et dans les mécanismes de préservation de l’attention. Ce sont ces mécanismes, au service des étudiants et des étudiantes, qui me semblent aujourd’hui les plus intéressants à déployer pour leur permettre tout l’épanouissement possible dans cette situation confinée.
Tout d’abord, je fais mon possible pour démarrer la visio au moins 5 minutes avant le début du cours, tout comme j’ouvre ma salle un peu en avance, et laisse le temps aux jeunes de s’installer. Dans ces moments-là, je ne laisse pas le silence s’installer, je commence des discussions informelles avec les premiers et premières arrivées, en leur offrant la possibilité de discuter notamment de leurs conditions d’études, mais aussi en partageant les informations universitaires qui auraient pu leur échapper. Je laisse doucement tout le monde arriver, puis quand la majorité est là, je commence la séance, en rappelant le sujet du cours, les points abordés les séances passées, en replaçant la séance dans une continuité. Je prends le temps d’une présentation du déroulé de la séance, pourquoi pas d’un rappel des modalités d’évaluation et des séances importantes à venir. Je n’hésite pas à les interroger sur les conditions du déroulé du cours, pour ajuster éventuellement les choses.
Pendant la séance, de manière générale, j’essaye d’avoir au moins toutes les 2 à 5 minutes un retour des étudiants et étudiantes, en leur demandant de répondre à l’écrit ou à l’oral. Chaque groupe, chaque formation a son mode opératoire. Les plus à l’aise, souvent en petits groupes, vont allumer leur micro (parfois leur caméra, et c’est cool) pour poser une question ou répondre à une des miennes. Parfois, ils répondrons à l’écrit, voire avec un like sur la réponse d’un camarade.
Pour pousser à la participation, je dose entre questions ouvertes et questions fermées, suivant leur degré de réactivité. Si j’ai envie d’avoir des réponses plus collégiales, j’utilise les mécanismes de sondages instantanés que proposent les plateformes de visio.
Et puis je fais très attention à rebondir sur chacune de leurs interventions, par exemple en notant leurs idées sur le tableau virtuel que j’alimente, en mettant en évidence la diversité de leurs réponses, en précisant si nécessaire. Quand une réponse écrite me semble intéressante, je demande à l’auteur s’il est d’accord pour la développer pour ses camarades à l’oral.
Sauf exception, en aucun cas je ne pousse à la participation. Je propose des modes d’interaction, en essayant de ne pas présumer des possibilités techniques et matérielles des étudiants.
J’essaye aussi de changer régulièrement au fil de la séance la forme que prend l’intervention : discussion collective, discours plus professoral, construction d’un raisonnement par le dessin, exploration d’une problématique sur un moteur de recherche spécialisé, etc. Et quand je sens que c’est trop long, je propose une pause de quelques minutes. Je suis convaincu que ces mécanismes sont indispensables pour que l’expérience ne soit pas trop désagréable. Les silences que je laisse à l’antenne sont donc maîtrisés, annoncés. Le reste du temps, je fais attention à ce que l’espaces sonore soit bien alimenté, sans pour autant être un flux monotone et régulier. Il s’agit de penser au rythme, comme dans une émission.
Enfin, la toute fin de la séance est le moment d’une synthèse de ce qui a été exploré dans la séance, pour la replacer dans la continuité des séances du cours. Si l’organisation me le permet, j’essaye aussi de rester quelques minutes de plus après la fin du cours pour échanger de manière plus informelle avec les étudiants et étudiantes, afin de fluidifier ces échanges qui sinon pourraient être trop formels.
Travaux en groupe, outils collaboratifs
Quand la matière et la modalité d’enseignement le permettent, je propose régulièrement aux étudiants et étudiantes de travailler en groupe. Soit pendant toute la séance si c’est un TP, soit pendant de petites plages de 10 ou 15 minutes. Je commence quasiment toujours la séance par une visio collective, puis les participants et participantes sont répartis en groupe. Chaque groupe rejoint un canal de discussion séparé, et y lance une visio. Ils peuvent alors partager leur écran, discuter, travailler à un document commun. Quand ces activités en groupe sont lancées, je circule alors virtuellement de groupe en groupe pour aller échanger directement avec eux. Ce sont des moments très conviviaux, où ils se sentent plus libres de poser les questions, ou ils expérimentent, échangent…
Évidemment, dans ces moments-là les outils collaboratifs deviennent indispensables : framapad et son etherpad, hedgedoc, l’instance OnlyOffice de notre université pour rédiger, mais aussi excalidraw pour dessiner, ou plus spécifiquement slack, github, … Ce ne sont que quelques exemples mais qui me paraissent indispensables à un travail en groupe à distance, en plus de l’incontournable partage d’écran. Si je sens les participantes et participants peu agiles techniquement, je commence par une démonstration des outils en partageant mon écran, mais souvent ils sont autonomes.
Les retours en séance plénière permettent aux groupes de partager leurs explorations, de mettre en commun, etc.
Interagir hors des séances
Je trouve aussi intéressant de profiter des outils de messagerie, des ENT ou des courriels pour prolonger les échanges en envoyant après la séance des compléments d’information, des liens qui auraient pu manquer, et bien sûr en les invitant à me contacter pour toute demande, pour tout échange supplémentaire.
Cette continuité me semble indispensable, mais je veille à éviter de leur imposer un engagement, en proposant sans juger celles et ceux qui ne répondent pas, et en proposant un volume d’activités raisonnable.
Est-ce que ça marche ?
J’ai expérimenté ces différentes idées à plus ou moins grande échelle suivant les formations, l’âge des étudiants et étudiantes, le nombre de participants aux séances. J’ai ainsi expérimenté des groupes de 10 à 120 personnes, dans des formations variées, comme l’IUT, des masters, une école d’ingénieur, un atelier du SUC, … Parfois ça marche hyper bien, souvent j’ai l’impression que c’est correct. Parfois j’ai l’impression que c’est un peu raté, et je réfléchis à ajuster les choses pour les séances suivantes. C’est une expérimentation continuelle, mais finalement comme toujours en enseignement !
Être enseignant, c’est toujours s’adapter aux besoins des étudiants et étudiantes, s’adapter et aux circonstances, aux nouveautés, à la société qui évolue, à l’évolution de notre propre regard sur notre discipline… Enseigner avec les outils numériques, c’est pour moi une continuité dans cette adaptation, un défi qui nous est lancé, et que je trouve riche d’apprentissages.
Je suis convaincu que cet environnement est en train de changer ma manière d’enseigner, dans un sens qui me plaît, en plaçant encore plus l’étudiant et l’étudiante au centre de la démarche. Le jour où l’on reprendra durablement le chemin de l’université, je suis convaincu que j’aurai du mal à me passer des mécanismes et techniques que j’aurai exploré.