Hier avec les copains et copines du cri de la girafe, on travaillait sur notre prochaine émission. Au fil des discussions, on a beaucoup parlé de la place que prennent les technologies dans nos quotidien. S’opposaient alors deux points de vue : d’un côté on entendait que ces techniques sont l’outil de contrôle des puissants et il faut s’en débarrasser, et de l’autre il se disait qu’il est possible de se réapproprier collectivement la technique pour choisir comment on l’utilise.
Évidemment, vous l’aurez compris, je suis partisan de la deuxième équipe, celle qui croit que la meilleure manière de lutter contre l’emprise des GAFAM (les géants du Web : Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) passe par une mise en commun des savoirs, et par une réappropriation collective de ces techniques. Évidemment, c’est une question complexe. Mais le mouvement du logiciel libre, de l’éducation populaire, ou encore des réseaux d’AMAP permet ça : se structurer pour que celles et ceux qui explorent un sujet puissent en faire profiter les autres, en toute transparence, en donnant les moyens aux autres de s’approprier ces outils et techniques s’ils le souhaitent.
S’affranchir des GAFAM
Alors bien sûr, on peut faire tout ça sans utiliser ni ordinateur ni internet, en utilisant des fanzines, en s’échangeant localement les savoir-faire, en ayant des colporteurs de connaissances qui traversent le pays. Mais l’outil internet existe. Et mieux, il a été conçu dès ses débuts pour être un espace d’échange sans contrôle central. Alors bien sûr, les GAFAM mettent aujourd’hui bien à mal ce mécanisme. Heureusement, régulièrement des initiatives naissent pour redonner à l’internaute l’indépendance, et redonner le contrôle au collectif.
En France, on peut saluer le travail de la quadrature du net, qui agit politiquement et légalement au quotidien pour protéger les libertés individuelles, et par là même l’idée originale de ce réseau d’échanges de connaissance. Et puis bien sûr, il est impossible de ne pas s’arrêter sur l’énorme travail de Framasoft, qui agit de manière concrète pour proposer des outils de dégooglisation d’internet, ou plus généralement d’indépendance aux GAFAM, et à leur internet décérébrant.
Quels outils numériques pour la diffusion de connaissance
Parmi les outils usuels que l’on utilise pour se partager de la connaissance sur internet, il y a pendant longtemps eu IRC, dont les usages ressemblent à la manière dont on utilise aujourd’hui discord ou twitch, les forums, remplacés progressivement dans les usages par les groupes facebook.
Mais une très grande partie de l’apprentissage autonome passe par l’usage des vidéos. Youtube est évidemment aujourd’hui LA plateforme incontournable pour ces partages de connaissance, ce qui n’est pas satisfaisant pour plein de raisons, notamment parce qu’elle nous rend dépendant à l’infrastructure et aux serveurs de Google, mais aussi parce qu’elle alimente en revenus cette entreprise, notamment grâce à la publicité, en s’appuyant sur le suivi de nos activités individuelles sur la plateforme. Il s’agit donc de trouver d’autres alternatives.
Peertube et ses fédérations
Depuis 2018, Framasoft a soutenu puis aidé au développement puis déploiement de PeerTube, un logiciel libre de partage de vidéos. Ce développement a notamment été possible grâce au financement participatif, une manière concrète de se fédérer collectivement pour construire nos propres outils.
PeerTube est donc un logiciel qui permet de déployer rapidement sur son site internet un équivalent à YouTube. L’outil offre la possibilité de mettre en ligne des vidéos, de proposer aux internautes d’interagir sous forme de commentaires, de s’abonner, etc.
Dans cette première version, on a donc un outil local, sur son serveur, mais qui ne permet pas d’avoir une gigantesque base de données unique où aller chercher et diffuser de l’info. On appelle chacun de ces serveurs des instances.
La première proposition technique pour désenclaver les instances PeerTube s’appelle les fédérations. Chaque instance peut en effet choisir les autres instances qu’elle suit. Les vidéos des instances qu’elles suit seront alors visibles de manière transparente depuis la première instance, de même que toutes les interactions (commentaires, abonnements, j’aime, etc.).
Les instances et fédérations peuvent aussi se référencer sur le site principal de PeerTube. Cela permet aux internautes de chercher suivant des thématiques les instances qui se sont référencées, pour ensuite pourquoi pas s’y inscrire, et en suivre les diffusions à la manière de ce qu’on ferait sur YouTube.
Sepia search
Mais comment découvrir de nouvelles instances qui regroupent du contenu qui nous intéresse, à part la recherche citée plus haut ?
En septembre 2020, Framasoft a officialisé la mise en ligne de sepia search, un outil qui permet de rechercher parmi toutes les vidéos contenues dans les instances indexées. Et là, ça ouvre la porte à beaucoup plus de possibilités.
Admettons que je m’intéresse au pain au levain. Je peux donc chercher avec le mot clé levain sur sepia search. Au moment où j’écris cet article, on trouve 19 résultats sur les 591 sites web PeerTube indexés.
Un outil à faire grandir
Évidemment, face à la masse de contenus disponibles sur YouTube, on est encore très loin du compte. Il y a trois ans, quand PeerTube est apparu, on n’imaginait cependant pas la vitesse à laquelle il allait se déployer, devenant aujourd’hui un outil certes naissant, mais aux fonctionnalités et aux possibilités crédibles.
En sensibilisant les groupes militants, les gens qui s’intéressent au partage de connaissance, les acteurs de l’éducation populaire à utiliser cet outil — qui correspond d’ailleurs exactement à leurs valeurs — je suis convaincu que l’on peut faire de cet outil un espace d’émancipation et de partage de connaissances à la hauteur du défi auquel on doit faire face.
Et un jour peut-être pour le son ?
En tant que producteur et écouteur de contenu audio, je rêve que l’outil s’émancipe progressivement des fonctionnalités de YouTube, pour héberger un jour du contenu 100% audio !
Un moyen là aussi de proposer une solution indépendante, artisanale et décentralisée aux plateformes de podcast existantes.
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