Il y a une poignée de semaines, je parlais ici de quelques livres passionnants, autour de la création sonore. Depuis ce billet, j’ai fini de lire Le son, traité d’acoulogie de Michel Chion. C’est un livre passionnant, qui reprend les idées théoriques et expérimentales de Pierre Schaeffer, en les étendant. On y lit par exemple une catégorisation des sons qui dépasse le strict assez pauvre envisagé par la musique, qui se restreint à la hauteur, la longueur, la puissance… Schaeffer et Chion arrivent avec 7 échelles de caractérisation, qui permettent de décrire précisément un son. Il faut avouer que sans une grille de ce type, on est assez démunis pour décrire un son, car le vocabulaire nous manque.
Et puis j’ai continué à lire, au gré de mes trouvailles. Voici donc trois nouveaux livres à explorer, tous les trois très intéressants.
Le guide ultime du sound designer, Ric Viers
Quand on réalise des documents sonores, tôt ou tard on a envie de comprendre comment marche un micro, ce qu’est un enregistreur, comment choisir son équipement… Ce n’est pas le sujet premier du guide ultime du sound designer , mais toute la première partie est consacrée à ça. Si vous avez lu mon article récent sur l’amélioration de la chaîne d’enregistrement, et que ça a attisé votre curiosité, c’est le moment de lire les premiers chapitres de ce guide.
Dans la deuxième partie, le livre aborde ce qu’il annonce dans le titre : la manière de concevoir du son, en proposant de réfléchir à la manière d’enregistrer du son qui servira ensuite d’élément pour des créations sonores, que ça soit en environnement « réel », ou sur un plateau de bruitage. Très orienté vers la pratique, il donne des pistes de bonnes pratiques, évoque les déboires que l’on peut facilement éviter, et propose à la fin une liste impressionnante d’idées pour réaliser des bruitages réalistes. Sont aussi abordés la manière de se fabriquer un plateau de bruitage, une station de montage, de se constituer un équipement de reportage.
Un bouquin à conseiller pour qui veut apprendre de la prise de son.
Le documentaire radiophonique, Christophe Deleu
Publié en 2013 aux éditions INA, ce livre est un essai scientifique, une tentative de définition de ce qu’est le documentaire sonore. L’auteur, Christophe Deleu, est un enseignant-chercheur en sciences de l’information et de la communication à l’université de Strasbourg. Avec lui, on cherche à comprendre ce qui distingue le documentaire radiophonique des autres formes d’expressions sonores. On prend ensuite le temps de décomposer chacun des sous-genres du documentaires, qu’il propose de distinguer en : documentaire d’interaction, documentaire poétique, documentaire d’observation, et documentaire fiction. Évidemment, ces sous-genres ne sont pas imperméables, et les exemples qu’il cite à longueur d’ouvrage aident à en saisir les contours poreux.
L’auteur prend aussi le temps de décomposer l’histoire de la radio, évoquant le radioreportage, évoquant le rôle croissant joué par les journalistes dans le média. Il souligne ici la différence notable entre le documentaire et le travail de journalisme, lequel cherche à retranscrire pour l’auditeur le réel, se mettant en scène comme médiateur. À l’inverse, le documentaire est un objet quasiment artistique, le créateur se plaçant souvent à l’extérieur du cadre offert par le micro, sauf s’il est lui-même l’objet du documentaire.
Pour Christophe Deleu, si le documentaire est un genre mineur de par le volume qu’il occupe sur les fréquences FM, il s’agit d’une expression radiophonique à la richesse toujours renouvelée. Agrémentant son discours de références à des émissions régulières ou à des documentaires en particulier, il invite le lecteur à poursuivre l’exploration par l’écoute. On appréciera aussi la très large bibliographie.
Le documentaire radiophonique tel qu’il est présenté par Christophe Deleu correspond grossièrement au chaînon manquant entre un travail de reportage et une pièce de musique concrète telle qu’elle est abordée par Michel Chion. L’intervalle entre les deux modes d’expression est gigantesque, et l’on comprend largement pourquoi il existe une telle diversité d’expressions documentaires, telles que les décrit Christophe Deleu.
Les carnets de Synthone
Si vous vous intéressez au monde radiophonique, vous êtes certainement tombés plus ou moins par hasard sur le site Syntone, sous-titré actualité & critique de l’art radiophonique. On y lit régulièrement de belles contributions, qui offrent un instantané de l’exploration radiophonique. Bien que relativement pointu, je le trouve assez accessible. Difficile alors de ne pas avoir envie de les soutenir en souscrivant à l’abonnement des carnets de Synthone, trimestriel papier à la maquette soignée.
J’ai reçu la semaine dernière mon premier exemplaire (le numéro 7), qui traite d’une aventure radiophonique aux Baumettes, sur la reconstitution (qui fait écho au travail du sound designer évoqué plus haut), ou encore l’interview d’un audionaturaliste. Les illustrations et le papier choisi, la qualité d’impression, tout invite à collectionner ces petits carnets.
Édit : la suite des lectures sur la création sonore, quelques semaines plus tard, à lire sur Revue de lectures : son, bruit, radio.