Je continue ma revue de lecture autour du son et de la création sonore avec quelques pas en direction de la musique. Depuis que j’ai commencé à compiler et structurer quelques éléments d’histoire des musiques électroniques, j’ai envie de compléter un peu mieux ma compréhension de tout ça.
Bruits, Jacques Attali
Au fil de mes lectures sur le son, je suis très souvent tombé sur la référence à cet essai de Jacques Attali, sous-titré Essai sur l’économie politique de la musique, dont la première édition date de 1977. Jusqu’à présent, j’avais choisi de ne pas lire ce texte, parce que l’idée que je me faisais de l’auteur, et les autres livres de lui que j’avais eu sous la main m’avaient plutôt fait fuir. Et puis à force de le lire comme une référence, je me suis finalement laissé tenté par cette lecture.
Le livre que j’ai entre les main est une nouvelle édition datant de 2001. J’avais peur que l’auteur n’affirme des faits sans références. Je me trompais, l’ouvrage est bien documenté. Il raconte l’histoire de la musique du point de vue économique et politique : le va et vient constant entre musique contrôlée par les puissants et musique du peuple, les débuts de la propriété intellectuelle, de la commercialisation, l’histoire du support d’enregistrement, et sur la fin la dématérialisation.
C’est finalement un ouvrage que je trouve intéressant, si l’on choisi de focaliser notre lecture sur l’objet premier annoncé par le sous-titre, en dépassant les avis personnels de l’auteur.
Histoire de la musique, Jacqueline Jamin
Quand on se promène aux puces, on tombe parfois sur des livres improbables comme celui-ci. Comment pensait-on l’histoire de la musique en Europe en 1966 ? Fortement ancrée en Europe, évidemment, marquée par des affirmations puissantes : tel courant est marqué par Tel et Tel compositeur. Très bien illustré en noir et blanc, avec photos de représentations de théâtre classique, reproduction de portraits de compositeurs, ce bouquin nous amène jusqu’aux portes de la musique contemporaine et du jazz, en prenant le temps de raconter la musique des civilisations anciennes, le moyen-âge, la renaissance (évacuée en 2 pages), l’époque classique, le romantisme, et la seconde moitié du 19e siècle 20e siècle. Le tout marqué par cette assurance catégorique et professorale qui laisse peu de place à une histoire alternative. C’est beau, c’est drôle, et ça fait un bon recueil de classiques… Ah oui, on parle en quelques pages de la musique des civilisations orientales, aussi.
Musiques actuelles, musique savante, quelles interactions ?
Avec mon exploration de la naissance de la musique électronique, je me suis aperçu que les musiques actuelles et la musique contemporaine utilisant les supports électroniques avaient très peu en commun. Bien sûr, certains musiciens de techno actuels puisent une partie de leurs influences chez des gens comme Pierre Boulez par exemple, mais ce n’est pas l’histoire du mouvement musical où ils appartiennent. Les deux histoires semblent s’être construites en parallèle. J’avais donc très envie de lire cette série d’entretiens, réalisés réunis et présentés par Éric Denut, et intitulés Musiques actuelles, musique savante, quelles interactions ?. Le recueil date de 2001, mais en le parcourant on trouve des propos qui alimentent nombre de clichés : là un compositeur hautain et méprisant envers la culture des producteurs de musique techno, là un compositeur attiré par l’exotisme et qui au contraire cherche à se dévergonder…
L’avant-propos, de Danielle Cohen-Levinas invite à la réflexion : pourquoi les festivals et rencontres qui proposent au public de la musique contemporaine cherchent avant tout à faire vibrer la fibre de la curiosité chez un public qui peine à venir ? Pourquoi proposer des programmes éclectiques au point qu’aucune cohérence ne puisse être lue par le spectateur ? Bien sûr, on comprendra la stratégie des programmateurs, mais combien de publics passent à côté de ce qui pourrait les faire vibrer, précisément parce que l’argument de curiosité les fait fuir ?
Voyage de mon oreille
C’est un texte assez ardu, je trouve, mais dont l’objet a beaucoup motivé ma lecture : essayer de comprendre les réflexions, les démarches, les constructions qui guident le travail d’un compositeur de musique contemporaine. On y lit des questionnements autour de la frontière entre artisan et artiste, un travail sur le temps, une recherche permanente de nouvelles manières de penser la musique. Très enrichissant.