J’aime les livres. J’imagine que nous sommes plein comme ça, à avoir depuis notre plus tendre enfance dévoré des bibliothèques vertes, aimé les journées pluvieuses qui permettent de rester bien au chaud, avec une pile de bouquins. Le contenu est passionnant, évidemment. On apprend à explorer le monde avant de pouvoir le faire soi-même, assis sur l’épaule du narrateur, comprenant avant l’heure ce que les relations d’adultes peuvent être. On découvre aussi ses goûts en terme d’auteur, de style, d’époque, de sujets…
Mais un livre, en plus d’être une histoire, c’est aussi un objet. Certains le voient comme une coquille, rendue obligatoire par notre existence physique. D’autres idolâtrent cet objet, s’interdisant d’enlever la jaquette, ne déplaçant jamais le ruban marque-page pour qu’il soit toujours bien repassé, plaqué contre la 2e de couverture, s’assurant qu’on n’a jamais posé le livre à l’envers sur une table. Quelle tristesse ! Bien sûr, l’objet sera toujours tenu à quatre épingles, serré dans une bibliothèque de salon, traversant les âges. Mais un livre, c’est fait pour être lu ! Chaque minute où il dort au fond d’un rayon, c’est une occasion de perdue pour lui.
J’aime donc lire dans des livres ayant vécu, dont on voit que plein de gens différents ont tourné les pages. On sait alors qu’il n’a pas eu le temps de prendre la poussière, qu’il a servi l’auteur plein de fois, pour des gens tous différents. Au travers de plein de petits détails, on imagine l’histoire des lecteurs passés, on a alors la sensation de partager avec eux, malgré la barrière du temps.
C’est précisément ce que permettent les bibliothèques (associatives, municipales, médiathèques, etc.). Ces lieux sont pour moi l’un des endroits les plus riches du monde. L’endroit où l’on croise des livres qui ont une histoire, où l’on partage, où tous avons un accès égal aux documents. Je n’aime pas posséder les livres, je me sens coupable de les emprisonner, car même si les prêter est possible, on n’arrivera jamais à la magie de la main qui virevolte sur les étagères d’une bibliothèque publique, à la recherche d’un ouvrage précis, d’un auteur, ou juste du hasard d’une rencontre.
C’est dans une médiathèque de Nantes que j’ai croisé le premier bouquin sur le Libre, dans un bibliothèque de Rennes que j’ai trouvé « Végétariens, raisons et sentiments » qui m’a aidé à comprendre ce que je savais déjà, c’est à la bibliothèque municipale de La Chapelle-sur-Erdre puis à la médiathèque de Nantes que j’ai exploré les romans de science fiction qui ont bercé mon enfance, que j’ai épuisé les Arsène Lupin, dévoré les Victor Hugo, et butiné au hasard des rayons des titres que je n’aurais jamais eu l’occasion de croiser autrement.
Ce hasard, qui fait qu’on tombe sur un classique, qu’on apprend à le découvrir sans connaître forcément son histoire, ou encore qu’on le trouve après en avoir lu un extrait quelque part, cette magie qui fait qu’à 800 km de son dernier domicile, on retrouve un livre qui a bercé notre enfance, sur les étagères d’une nouvelle bibliothèque, c’est fabuleux ! L’accès à tous à la culture, un symbole de la République, tous égaux face à la lecture, sans a priori sur la quantité de bouquins du foyer familial.
Libérez les livres ! Fréquentez et faites fréquenter les bibliothèques…