Je l’avais annoncé sur les pages de ce blog, septembre a été l’occasion de bénéficier d’une disponibilité, avec l’espoir d’améliorer mon quotidien. Un peu plus de six mois se sont écoulés depuis cette date, et je peux déjà en tirer quelques conclusions.
Y’a eu du changement
Je ne prends pas assez de temps pour alimenter ce blog, aussi les derniers mots sur ce blog datent d’août. À l’époque, je me préparais donc à quitter l’université pour rejoindre l’équipe recherche et développement (R&D) d’une entreprise, à hauteur de quatre jours par semaine.
Les premiers mois ont été très chouettes, j’ai eu la chance d’être super bien accueilli par Thierry Château et les autres personnes de l’équipe R&D. Les missions que je portais étaient amusantes, pas tant éloignées de mes activités universitaires passées.
Malheureusement, la direction de l’entreprise Logiroad a progressivement fait comprendre à l’équipe R&D qu’elle avait changé ses objectifs, et qu’elle allait nettement réduire sa recherche pour se focaliser sur une commercialisation à court terme. Courant décembre, j’ai donc décidé de démissionner, en espérant participer à un mouvement qui permettrait à une partie de l’équipe R&D d’être maintenue dans ses activités.
J’avais entre temps eu la chance de recevoir la proposition de rejoindre BBS Slama afin de participer au développement de logiciels de calcul thermiques pour le bâtiment. De la géométrie, de la modélisation sémantique, du calcul scientifique, et du développement logiciel. Bref, des choses que j’aime bien !
C’est ainsi que j’ai rejoins l’entreprise début 2024, cette fois-ci en décidant de réduire encore mon temps de travail, pour passer à trois jours par semaine. En effet, la MDPH assure enfin une prise en charge financière partielle du temps que je passe auprès de ma fille comme proche aidant.
Réduction de la charge mentale
Malgré les perturbations liées à la fin du premier contrat, et bien que je passe encore du temps à accompagner les étudiants en thèse, mon engagement à l’activité salariée a radicalement changé.
Quand mon quotidien était celui d’un maître de conférences, je travaillais tous les jours de la semaine, plusieurs soirs par semaine, souvent les week-ends. Je recevais près d’une centaine d’emails par jour, dont au moins une trentaine qui nécessitaient une réaction immédiate. Je passais mon temps à courir après les urgences, parfois pertinentes, souvent absurdes car liées aux manques de ressources de l’université, et au fonctionnement en mode projet. Et puis l’enseignement, si j’espère l’avoir toujours pratiqué avec engagement et sérieux, je n’ai jamais aimé ça.
Depuis septembre, quand je ferme la session de mon ordinateur professionnel, à la fin de la journée de travail, je n’ai plus l’obligation morale de vérifier toutes les heures qu’il n’y a pas d’urgence. Je n’ai pas à corriger des copies, à préparer des cours, à me faire un sprint nocturne de montage de dossier ou de rédaction d’article. Ce luxe incroyable est probablement lié au type de métier que je pratique maintenant, mais aussi parce que j’ai décidé de m’engager dans une désintoxication au travail salarié.
Focaliser mon attention sur les besoins de ma fille, dont les besoins croissants nécessitent de prendre en charge énormément de logistique, de coordination, d’attentions de chaque instant, c’est déjà énormément de pression, et je pense que c’était le bon moment de relâcher la tension professionnelle.
Développer du logiciel propriétaire
Depuis septembre, je développe donc des logiciels propriétaires, c’est-à-dire dont le code source n’aura pas pour vocation à être diffusé largement. C’est quelque chose que je n’avais jamais fait en plus de 20 ans de développement logiciel, car je n’avais produit jusqu’à présent que du logiciel libre (dont une partie est par exemple disponible sur github).
Ce qui change, c’est bien sûr la certitude d’avoir des utilisateurices. De l’extérieur, on pourrait penser que cela nécessite d’être plus soigneux dans la conception et la finition de ces logiciels. Mais plus j’observe et je réfléchis à ce que cela implique, moins je suis convaincu de cela.
Car quand on développe du logiciel libre, on ne sait pas qui va utiliser le code source ni le logiciel. Dans la pratique du logiciel libre, je redouble en général d’attention à rendre ma production la plus facile à prendre en main. Au niveau du logiciel lui-même bien sûr, mais aussi en prêtant une grande attention au code source, à son architecture, à sa documentation. C’est peut-être aussi une déformation de mon parcours d’étudiant puis d’enseignant en informatique à l’université.
Cette attention, je suis convaincu que l’urgence de produire du logiciel commercial et fermé ne l’impose pas, et que suivant la culture personnelle de chaque développeureuse, cette dernière peut facilement produire du code source toufu, complexe, et des logiciels aux interfaces de niche pas forcément flexibles.
J’espère donc pouvoir au fil des années apporter aux entreprises qui m’accueilleront ce que je pense être une des réelles forces de la pratique du logiciel libre : l’attention à faciliter l’intégration de nouvelles personnes dans une équipe de développement en concevant le code source dans ce sens. Je suis convaincu que c’est un investissement indispensable pour tendre vers un logiciel de meilleure qualité.
Être proche aidant
En continuité de ce qui se passait depuis le printemps 2023, je suis donc proche aidant à mi-temps, au rythme de la garde alternée, auprès de ma fille maintenant âgée de 19 ans.
Comme je l’indiquais plus haut, cela nécessite une attention de chaque instant à la logistique, pour que les interventions des professionnels qui nous accompagnent s’enchaînent au mieux, suivant les aléas des conditions de santé, assurer l’approvisionnement en matériels médicaux, paramédicaux, nutritionnels, de bien-être, etc. Cela nécessite de mettre en place une machine bien rodée pour faire fonctionner le quotidien, mais aussi de pouvoir bouleverser à chaque instant tout cela pour gérer les urgences.
Parfois ce sont de gros bouleversements, avec une hospitalisation d’urgence pendant plusieurs jours, parfois c’est plus court, avec une ou deux journées où ma fille se retrouve alitée puis en convalescence. Il faut alors pouvoir continuer d’assurer les besoins vitaux, et assurer aussi les plaisirs qui font que la vie est douce.La logistique est d’autant plus importante en prévision de ces possibles situations que je suis seul à faire fonctionner le foyer au quotidien. Il faut donc avoir du stock, gérer les approvisionnements, organiser les espaces pour ne pas se retrouver en difficulté physique ou psychologique.
En plus de cela, il faut apprendre à gérer les nouveaux dispositifs qui facilitent la santé, continuer d’adapter les équipements aux nouveaux besoins, tout en continuant à penser des espaces de plaisir et d’activités épanouissantes.
Ce que je trouve le plus compliqué, c’est le grand écart entre l’injonction à continuer à s’impliquer dans les activités de la cité, et l’énergie et le temps nécessaire à assurer les besoins de la personne que l’on accompagne. Au milieu de ça, le besoin de ménager son corps et son esprit pour qu’il tienne sur la durée se fait sentir, mais tout n’est pas conciliable… Et il arrive souvent que l’on ressente à la fois sentiment de grande solitude et un mal-être grandissant de ne pas pouvoir souffler, ne serait-ce qu’une journée.
Bon, mais il y aurait énormément à écrire sur cette question, et je pense de plus en plus à lancer la saison 3 du podcast Quand même pas, Papa !
Faire du logiciel libre
Ce qui peut être étonnant, c’est que j’ai malgré tout du temps libre. Tout ces moments où je suis aux côtés de ma fille mais qu’elle écoute des histoires (sa grande passion), et même si je dois rester vigilant et à chaque instant pouvoir interrompre mes activités, je dispose régulièrement d’une poignée d’heures pour lire, ou mais aussi fabriquer des trucs.
J’ai donc entamé depuis septembre le développement d’un outil logiciel, pour l’instant confidentiel, mais qui devrait s’annoncer pour la rentrée 2024 : un agenda culturel qui sera alimenté le plus automatiquement possible depuis les ressources existantes. Je ne suis pas seul sur le projet, et c’est chouette d’avoir des copaines pour concevoir un tel projet. Allez hop, une image pour montrer à quoi ça ressemble en ce moment :
Faire de la radio
L’une de mes soupapes de sécurité, celle qui fait que j’arrive à continuer à vivre malgré le brun qui commence à gronder partout dans le monde, c’est la radio des tas.
Une fois par mois, avec les copaines tas, on prend le chemin des studios de Radio Campus pour une émission en direct, qui fait du bien au moral. Même si on ne cause pas que de trucs rigolos, on parle de ce qui nous anime, nous indigne, nous garde en vie.
Activité associative
Difficile de ne pas s’impliquer dans l’association Vaincre les Maladies Lysosomales, tellement les missions de l’association résonnent avec notre quotidien.
Après avoir participé au conseil d’administration pendant quelques années, j’ai finalement proposé d’en être le trésorier, et on a lancé quelques commissions pour continuer à animer l’association.
Cette année plus que les précédentes, les enjeux sont importants, car si nous n’arrivons pas à augmenter les sources de financement, nous devrons réduire la voilure, et sans doute ne pas maintenir les activités qui font le sens de l’association : rencontre annuelle des adhérent·e·s, financement d’activités de recherche ciblées sur les maladies lysosomales…
Conclusion
En conclusion, je peux dire que si depuis septembre je ne m’ennuie pas, le niveau de stress a nettement diminué, et j’arrive à trouver un équilibre bienvenu dans mon quotidien, afin de vivre les engagements que j’ai raconté ici, mais aussi tous les autres péripéties de la vie. Affaire à suivre !