Dans un article récent, je présentais quelques outils pour travailler avec le son avec les outils les plus simples que vous puissiez avoir : un smartphone, un ordinateur.
Tout ça c’est mignon, mais si on est confinés chez soi, on ne peut pas rejoindre physiquement ses interlocuteur·ices pour un entretien à plusieurs. Quels outils a‑t-on à notre disposition pour enregistrer une interview à distance ? Dans cet article, je vous propose quelques solutions, qui nécessitent plus ou moins de maîtrise technique, et qui s’appuient sur différents outils de communication.
Bien sûr, la qualité du son de ces enregistrements dépendra de votre micro, et de la manière dont vous vous installerez pour enregistrer. Je vous invite donc à lire l’article sur le son nomade pour trouver vos bonnes pratiques.
Enregistrer un appel téléphonique
Sur les téléphones intelligents, il existe des applications qui permettent d’enregistrer les conversations téléphoniques, telle Call Recorder. Cependant, cette solution n’est souvent pas retenue, pour différentes raisons.
Tout d’abord, le son des communications téléphoniques est d’une qualité bien moindre que celle des autres solutions présentées en dessous. Il s’agit de l’héritage d’un temps où les communications étaient moins bonnes, et où on choisissait de filtrer la voix en ne gardant que les fréquences medium pour économiser de la bande passante. D’autre part, de plus en plus de restrictions sont imposées par les fabricants des appareils, qui brident la version d’Android, afin que les applications ne puissent plus enregistrer ces communications. À vous donc d’essayer sur votre téléphone, vous découvrirez peut-être que tout marche encore pour vous. Ou pas.
Une solution alternative consiste à mettre le téléphone en haut parleur pendant la conversation, et à enregistrer le son avec un autre appareil, par exemple un second téléphone en mode dictaphone. Mais la qualité sonore des deux interlocuteurs sera très différente.
Utiliser une application dictaphone sur chacun des téléphones
Pour peu que les deux interlocuteurs soient un peu agiles avec leur téléphone, une solution simple à mettre en place consiste à s’appeler avec des smartphones, tout en utilisant sur chaque appareil une application dictaphone, comme celles citées dans l’article dédié à l’enregistrement nomade. Il ne reste plus alors qu’à assembler les fichiers son.
Utiliser le mode enregistrement d’une visio
Certaines plateformes de communication visio ou audio proposent l’enregistrement intégré. La qualité du son sur ces plateformes est souvent bien meilleure que celle des appels téléphoniques. Cependant, on peut noter que ces plateformes réalisent tout de même souvent un traitement sur le son : détection des silences, filtres anti-bruit, ou encore compression ou filtrages de fréquences. Il s’agit donc de choisir la plateforme dont la qualité de son et dont les capacités d’enregistrement correspondent à vos besoins et usages.
L’outil qui semble le plus robuste pour cela est skype, qui documente précisément comment enregistrer une conversation sur son site internet. C’est une des solutions couramment utilisées par les radios associatives pour mener leurs interviews à distance. Les expériences que j’ai pu réaliser montrent que le son est particulièrement compressé1Lise dirait que c’est un son à la NRJ.. L’enregistrement est disponible pendant 30 jours en téléchargement, au format mp3.
Les plateformes Teams de Microsoft et Zoom (attention cependant au respect du RGPD) permettent également d’enregistrer une conversation, de même que les outils Jitsi et Big Blue Button, si la fonction a été activée sur le serveur que vous utilisez. On trouve aussi des solutions un peu techniques pour les conversations Discord, qui nécessitent par exemple d’utiliser un bot dédié.
Prenez donc le temps de lire la documentation de vos outils de visio habituels, et d’essayer leurs possibilités. Cela pourrait convenir à vos besoins.
Utiliser les deux entrées d’un enregistreur
Si ces solutions ne vous conviennent pas, mais que vous avez à votre disposition un enregistreur muni de deux entrées, comme un Zoom H4n ou un Tascam DR-40, et que vous avez quelques câbles et un micro, vous pouvez connecter la sortie casque d’un ordinateur sur l’une des entrées de votre enregistreur, et utiliser un micro pour enregistrer votre voix. En réglant correctement votre enregistreur, et en utilisant un outil de visio de votre choix, vous obtiendrez ainsi un enregistrement comportant dans l’un des canal votre voix, et dans l’autre canal toutes les autres voix de vos correspondants. Et pour écouter la conversation en direct, branchez un casque sur l’enregistreur !
Utiliser une solution dédiée
Il existe des plateformes dédiées à l’enregistrement d’interviews à distance. Je pense en particulier à zencastr, qui propose en cette période de confinement un accès gratuit à sa plateforme pour les amateur·ices.
Une fois créé un compte, on peut créer des épisodes, et y inviter des participant·e·s. Lorsque qu’on lance la session d’enregistrement, l’outil enregistre séparément chaque participant·e, et à la fin de la session, autant de fichiers mp3 sont disponibles au téléchargement.
La qualité du son est ici différente de celle de Skype, avec moins de compression, mais avec un gate (détecteur de silence) qui est réglé un peu trop brutalement, et qui peut rendre difficile l’exploitation de l’enregistrement, suivant les usages.
Si cet outil ne vous convient pas exactement, il existe d’autres outils assez similaires comme Cleanfeed par exemple. Le compte gratuit de cette plateforme permet notamment d’enregistrer au format wave, mais sans avoir une piste par intervenant.
Choisir une solution générique
Si on maîtrise complètement le routage des sons entre logiciels dans son système d’exploitation, par exemple en utilisant pulseaudio sous GNU/Linux, on peut utiliser n’importe quel outil de communication audio (skype, meet, jitsi, etc.), et le combiner à un logiciel d’enregistrement (audacity, ardour, reaper, …) . Les vidéos ci-dessous raconte comment faire ça sous GNU/Linux et Windows 10 (je n’ai pas pu tester cette solution) :
J’ai aussi écrit depuis un article pour expliquer comment faire cela sous GNU/Linux, avec jack ou Pulseaudio.
On trouve aussi des outils clé en main pour faire cet enregistrement, mais ils sont majoritairement dédiés à l’enregistrement audio ET vidéo, comme par exemple OBS. Il faudra alors extraire l’audio de l’enregistrement vidéo, et on aura peu de maîtrise sur la qualité de l’audio enregistré.
Utiliser un plugin pour DAW
Les stations audionumériques (ou DAW en anglais) telles que Reaper, Ardour, Pro Tools ou encore Audacity peuvent souvent être équipées de plugins (ou VST) permettant une diffusion du son entre plusieurs ordinateurs. Il faut pour cela que les participant·e·s disposent de ce type de logiciel, et d’un moyen d’enregistrement.
On peut notamment citer le plugin listento de chez Audiomovers, Source-Connect, vst-connect ou encore Audreio. À chaque solution ses possibilités techniques et ses contraintes financières. On peut aussi aller puiser du côté des outils dédiés à la création sonore collaborative.
Mettre en place son propre serveur
Un peu plus technique, mais bien plus configurable, on peut aussi choisir d’installer puis de régler son propre serveur de conférences. TeamTalk est un de ces outils, assez simple à déployer, que l’on peut ensuite utiliser très simplement. On peut aussi citer des outils plus complexes mais extrêmement flexibles comme Asterisk ou darkice, qui sont souvent une des briques élémentaires des autres outils cités ici.
Se débrouiller autrement
Quand on n’a pas trouvé une solution satisfaisante avec les propositions listées ci-dessus, une solution bricolée est tout de même possible. Il s’agit d’utiliser sur un ordinateur supplémentaire un logiciel du type Audacity pour enregistrer la conversation.
En effet, on peut facilement réussir à enregistrer le son qui sort d’un logiciel de cette manière. Le défaut principal est que cette solution ne permet souvent pas d’enregistrer la voix de l’utilisateur·ice de l’ordinateur d’enregistrement. On utilise donc cette machine supplémentaire comme un enregistreur de la conversation, et on s’y connecte chacun·e avec son propre ordinateur ou téléphone. Pour 5 participant·e·s, on aura donc 6 connexions à la conversation… Mais ça marche !