J’ai régulièrement une discussion avec les personnes défendant l’habiter à la campagne, qui sont convaincues que la ville n’est pas une solution soutenable et compatible avec une pensée écologiste. Mais ce qui ressort toujours de ces discussions, c’est que ce point de vue s’arqueboute sur un statut-quo. Puisque les usages collectifs actuels et de la ville sont incompatibles avec une vie décroissante, la seule solution est de réinvestir les zones rurales.
On comprend l’argument, mais pour plein de raisons, je le trouve limité.
Sortir de l’opposition dogmatique à la ville comme solution à vivre
Tout d’abord, ce sont ces mêmes rurbains qui viennent avec leurs bagnoles densifier le trafic des grandes villes. Ils ignorent ainsi la plupart du temps dans leur raisonnement la quantité de kilomètres de routes nécessaires à ce que leur solution impose. Et même quand ils sont d’accord pour se séparer de leurs solutions individuelles de mobilité, ils ne confrontent pas leur vision à la densité du réseau de voies de transport nécessaire à ce fonctionnement.
Ils continuent de confronter la vision dystopique d’une mégalopole avec la douce vision bucolique d’un paisible arrière-pays, oubliant au passage que tant que l’humain s’étale, il empêche les autres espèces vivantes de s’épanouir. Car bien peu de territoires sont aujourd’hui de réels espaces de liberté pour les espèces non asservies à l’humain. 1Sur une question connexe, je conseille la lecture de Biomasse – une histoire de richesse et de puissance, de Benoît Daviron, publié aux éditions Quæ en 2020.
Je suis convaincu qu’il est nécessaire de repenser la ville et l’usage que nous faisons de nos déplacements, pour préserver au maximum de l’empreinte humaine les territoires nécessaires à l’épanouissement d’une biodiversité non productive pour l’humain. Et pour cela, il faut redonner à la ville les moyens d’être un espace à vivre.
Mettre fin à l’arrogance automobile
Quand on regarde l’espace urbain de manière objective, par exemple avec le super outil The arrogance of space, on constate qu’une quantité très importante de la surface des villes est consacrée aux véhicules motorisés individuels.
L’automobile omniprésente, c’est un vrai fléau pour la ville et pour les humains qui y vivent. Sur ce sujet, je vous invite à écouter le podcast Bagnole City, réalisé par Aurélie du cri de la girafe.
La dépendance collective que nous avons aux déplacements quotidiens imposera certainement pendant encore un long moment que la ville soit traversée par des moyens de locomotion. Plusieurs pistes existent, évidemment, pour en diminuer l’empreinte spatiale et écologique. On pense bien sûr aux transports en communs, à la bicyclette, à la marche. Mais il faut pour ça que la ville se transforme. C’est un vaste virage dans l’usage des espaces, et pour l’instant cela semble difficile à imprimer.
Le végétal dans la ville
Mais pour que la ville soit réellement un espace à vivre, il faut qu’elle évolue aussi sur d’autres points. Et si les espaces dédiés aux voitures se réduisent petit à petit, on peut imaginer plein de choses. Pendant longtemps, la ville et ses faubourgs étaient cultivés : arbres fruitiers, jardins individuels, cultures professionnelles, espaces communaux.
La ville d’aujourd’hui est bien peu verte (il a fallut faire place à la bagnole), et ces arbres vont bien mal, comme le raconte David Happe dans son dernier livre Au chevet des arbres, réconcilier la ville et le végétal (le mot et le reste, 2022). En réduisant l’espace destiné aux bagnoles, on imagine pouvoir aussi redonner de la place au végétal.
Quels moyens avons-nous d’observer ces évolutions ? OpenStreetMap est un bon outil de veille collective sur les espaces publics et la présence de végétaux. En choisissant un rendu approprié, on peut consulter cette base de données géographique en filtrant les objets pour ne retenir que les arbres.
On voit qu’il manque encore beaucoup d’informations, comme l’essence des arbres des rues, places et jardins publics. Mais OpenStreetMap est une base de données évolutive et contributive, alors on peut organiser des cartoparties arboricoles pour améliorer ces descriptions, voire pourquoi pas dans une démarche de science participative en faire un observatoire du vivant et de l’état de santé des arbres.
Au delà d’observer, que peut-on faire ? Peut-on infléchir les politiques de bétonnisation locales ?
On passe à l’action !
Sans être une solution révolutionnaire, de petits gestes sont imaginables. Il y a quelques années, on voyait les bacs à légumes des incroyables comestibles pousser à Clermont-Ferrand. On regarde aussi les expérimentations de végétalisation qui suivent la démarche légale du permis de végétaliser mis en place par Clermont Auvergne Métropole, comme dans plein d’autres grandes villes. La plupart de ces initiatives sont ornementales, mais sont peut-être les graines d’une mutation, où enfin on arrêtera de désherber à tout prix.
J’ai aussi découvert récemment l’existence à Paris, aux États-Unis et un peu partout de la guerrilla des greffeurs. Il s’agit ici de greffer des fruitiers sur les arbres de la ville, pour leur faire produire des fruits.
Et si on lançait l’initiative autour de nous ?