Il y a quelques temps, je racontais sur ce blog ma participation en tant que représentant de proches de personnes atteintes de la maladie CLN à une réunion organisée à l’Agence Européenne du médicament, afin de participer à l’évaluation d’une demande faite par un laboratoire, qui envisageait des essais cliniques en vue d’une commercialisation d’un médicament pour une variante de cette maladie.
Depuis que la maladie de ma fille est connue, je m’intéresse à la recherche médicale, et à la manière dont les produits pharmaceutiques sont évalués, puis commercialisés. J’ai résumé ces idées dans une page dédiée sur le site que je maintiens au sujet de la maladie de ma fille. J’ai aussi progressivement consolidé mes connaissances en biologie cellulaire, pour comprendre les mécanismes en jeu dans sa maladie, ce que j’ai aussi tenté de vulgariser dans une page dédiée.
Je propose donc dans cet article de formuler de manière posée et vulgarisée comment fonctionne un essai clinique, et ce que les vaccins sont parmi les traitements médicaux. En effet, les différentes discussions que j’ai pu avoir ces derniers mois me font penser que beaucoup de personnes n’ont pas eu l’occasion d’avoir accès à un résumé clair de ce qu’est un vaccin, ou un essai clinique.
Les essais cliniques
Les essais cliniques sont la dernière phase dans la recherche médicale, quand on conçoit une solution thérapeutique. Elle arrive après les essais pré-cliniques, lesquels sont généralement réalisés sur des tissus vivants plus ou moins complexes : tissus biologiques in vitro, espèces unicellulaires, modèles animaux plus ou moins gros.
Les essais cliniques sont très encadrés par les différentes agences des médicaments (aux États-Unis d’Amérique, en Europe, etc), qui valident ou non les demandes des firmes, en se basant sur les résultats des étapes précédentes pour valider ou non chacune des phases.
Ainsi, dans le cas du développement d’une solution thérapeutique, on observe toujours les mêmes phases, que l’on peut représenter par ce schéma. Évidemment, les durées sont ici données à titre indicatif, et correspondent aux pratiques dans le cas général, hors pandémie.
Sur cette frise chronologique, on retrouve les étapes suivantes :
- La recherche pré-clinique : pendant cette étape, on part d’une idée originale, et on explore scientifiquement tous les aspects de cette piste, depuis sa réalisation jusqu’aux possibles conséquences non désirées.
- La production et l’autorisation : une fois qu’une approche semble pertinente, on se prépare aux essais cliniques. Il faut pour cela produire le traitement en assez grande quantité, et en parallèle obtenir l’autorisation des autorités nationales pour pratiquer ces tests cliniques.
- Premiers essais cliniques, phase I et IIa : pendant cette première étape, on utilise un protocole très précis pour tester le traitement sur quelques patients. Dans cette étape, on étudie la dose optimale, et les possibles effets secondaires non désirés.
- Essais cliniques, phase IIb et III : pendant cette deuxième étape, on utilise un protocole plus large pour tester le traitement sur un nombre plus important de patients. Dans cette étape, on compare l’efficacité du traitement, par rapport à d’autres solutions, ou à un placebo.
- Démarches pour l’obtention d’une licence de commercialisation : cette étape est spécifique à chaque pays ou union de pays, et prend généralement une année.
Ainsi, quand on entend que les différents vaccins contre le COVID sont en phase III, et donc n’ont pas encore été testés, il s’agit là d’une mauvaise interprétation de ces différentes étapes : la phase I et II, servant à évaluer les effets secondaires et à ajuster les dosages a déjà eu lieu. La phase III quant à elle sert à évaluer l’efficacité du vaccin, et c’est cette phase qui n’était pas encore finalisée au moment de l’utilisation massive du vaccin sur la population mondiale.
Enfin, les vaccins contre le covid sont les thérapies ayant été le plus suivies sur ses effets secondaires, notamment par l’ampleur de son utilisation. Toute personne intéressée peut consulter le point mensuel proposé par l’ANSM, très détaillé, qui observe en tant qu’acteur public les conséquences de l’utilisation de ces vaccins. Aucun autre essai clinique ni thérapie n’a fait l’objet d’autant d’études, de contre-évaluations, et d’observation de résultats à grande échelle. Pourtant, tous les autres médicaments sont aussi passés par les mêmes étapes (recherche pré-clinique, production et autorisation, essais cliniques phases I et II, phase III, puis obtention d’une licence de commercialisation), exception faite de l’homéopathie qui en général n’arrive pas à montrer son efficacité en phase III.
Les vaccins
Le principe d’un vaccin, peu importe sa technologie, vise à consolider le système immunitaire pour le préparer à se défendre face à un virus. Pour rappel, le système immunitaire est capable d’identifier une cellule étrangère grâce à des marqueurs chimiques. Il fabrique alors des anticorps pour lutter contre les cellules étrangères. Cette connaissance des cellules étrangères passées est assurée notamment par les globules blancs et les lymphocytes T, qui peuvent relancer la production d’anticorps si une cellule étrangère déjà connue est de nouveau identifiée.
Le principe des vaccins consiste donc à présenter au système immunitaire une cellule inoffensive mais à la signature chimique semblable à un virus que l’on veut combattre, pour que le système immunitaire apprenne à la reconnaître, et qu’il soit plus tard en mesure de se défendre quand il rencontrera le virus correspondant.
Si beaucoup de vaccins nécessitent un ou plusieurs rappels, c’est parce que le niveau de défense immunitaire atteint grâce à une dose de vaccin décline au fil du temps, et ne permet pas ensuite au système immunitaire d’être assez réactif pour réagir face au virus.
Chaque virus étant différent (vitesse de mutation, vitesse de propagation, dangerosité, etc), et les vaccins n’étant jamais efficaces à 100%, on observe donc des recommandations différentes suivant les virus.
Les vaccins à ARN messagers qui sont au cœur de la campagne de vaccination contre le COVID fonctionnent non pas en introduisant en entier une cellule étrangère inoffensive, mais en permettant à nos cellules de produire temporairement les marqueurs chimiques imitant la présence de ces cellules indésirables. Le système immunitaire réagit alors de la même manière qu’avec un vaccin classique, en apprenant à reconnaître ces marqueurs. Après quelques temps, on observe un arrêt de la production de ces marqueurs, correspondant à la destruction de l’ARN messager introduit (ces protéines n’ayant qu’une durée de vie limitée). Pour lire plus en détail sur cette question, on peut par exemple lire cet article intitulé « Comment fonctionnent les vaccins à ARN (et à ADN) ? ».