Le dernier article sur mes lectures date un peu, car j’ai pris l’habitude de les évoquer sur twitter. Sur la plateforme de microbloging (comme on disait autrefois), je publie au fil de ces lectures quelques extraits qui correspondent aux discussions en cours… Mais après une année, j’ai un peu perdu la vision d’ensemble que permettait auparavant les posts sur ce blog, sur les thématiques dont je parle ici.
Voici donc sous forme d’un article récapitulatif quelques références à des livres que j’ai aimé lire cette année.
Du son
Le son est toujours une question qui m’intéresse, depuis la création radiophonique jusqu’à l’écoute et l’écologie sonore. Si je lis moins sur la question qu’il y a quelques années, j’ai tout de même trouvé quelques titres qui ont vraiment attiré mon attention.
Du son au signe, de Jean-Yves Bosseur
Je connais le travail de Jean-Yves Bosseur depuis près de 10 ans, grâce au festival Musiques Démesurées, où il avait été invité à plusieurs reprises. Ce musicologue raconte de manière passionnante l’histoire de la notation musicale. Du son au signe raconte cela, de manière chronologique. Si la qualité de la mise en page et de reproduction des figures laisse un peu à désirer, l’histoire qu’y déroule Jean-Yves Bosseur est captivante.
Audimat numéro 15
Je ne regrette vraiment pas mon abonnement à Audimat, où les articles balayent une grande diversité de questions, à la frontière entre son, production musicale et société. Le numéro 15 est aussi intéressant que les précédents. Déroulez le fil twitter pour en trouver quelques détails.
It’s a teenager dream, Dominique Blanc-Francard
Dominique Blanc-Francard (DBF) est l’un des producteurs et ingénieur son français les plus actifs de la deuxième moitié du XXe siècle. Dans cette autobiographie, co-écrite avec Olivier Schmitt, il parcourt sa trajectoire professionnelle, en racontant l’évolution matérielle et technique, les rencontres artistiques, les succès et les productions plus confidentielles. Je l’ai lu d’une traite, comme une promenade au cœur d’un univers riche en aventures, rencontres et explorations en tout genre.
Electroclit” #1
Un fanzine découvert grâce aux conseils de Claude, qui raconte les débuts des musiques électroniques, en tissant au fil des portraits des liens entre facteurs et factrices d’instruments, musiciens et musiciennes… En proposant une alternative solide aux rétrospectives qui ignorent la place des femmes dans cette histoire, ou au contraire les utilisant comme des arguments commerciaux avec futilité.
Mettre en ondes la fiction radiophonique, de Blandine Masson
Dans ce livre publié en 2021, Blandine Masson raconte les rapports tumultueux entre théâtre et radio en France, où plusieurs écoles se sont exprimées en parallèle : soit en envisageant la radio comme un outil de rediffusion des grandes pièces de théâtre, permettant de rendre accessibles à toutes et à tous cette expression artistique, soit comme un espace où expérimenter une nouvelle manière de penser le théâtre, en exploitant toutes les possibilités du média. Certaines décennies ont vu l’une des écoles dominer, parfois l’autre. Parfois le théâtre a même failli disparaître de l’antenne de Radio France, jusqu’à ce que le podcast vienne sauver ces pratiques. On découvre aussi dans ce livre l’importance du festival d’Avignon dans cette histoire.
Les cartes
Depuis quelques années, beaucoup de mes lectures concernent les cartes, ou l’urbanisme. La transition parfaite avec le thème précédent, c’est ce bestiaire de sites internet qui proposent une représentation cartographique des sons. Voici maintenant quelques livres que j’ai découverts cette année avec grand intérêt.
Pourquoi le nord est-il en haut ? petite histoire des conventions cartographiques, de Mick Ashworth
Évoqué dans le tweet un peu plus haut, Pourquoi le nord est-il en haut ? petite histoire des conventions cartographiques propose de très nombreuses reproductions de très belles cartes, qui interrogent à travers le temps et l’espace les pratiques cartographiques. On s’y promène avec plaisir, et les pages se succèdent, plus captivantes les unes que les autres sans que l’on s’en aperçoive. On y retrouve pas mal d’idées connues des curieux de la cartographie, mais aussi plein d’exemples qui illustrent et permettent de mieux comprendre encore.
L’atlas des frontières, de Bruno Tertrais, Delphine Papin et Xemartin Laborde
Lui aussi évoqué dans le tweet un peu plus haut, L’atlas des frontières n’est pas un livre militant, mais explore bon nombre de questions et problématiques autour des frontières. On y trouve des curiosités administratives, des usages et des lois, des histoires de peuples et d’humains. C’est à la fois captivant et illustre parfaitement l’absurdité des lois humaines qui partitionnent le monde.
The Red Atlas, de John Davies et Alexander J. Kent
Découvert grâce à une vidéo de Map Men, c’est le premier livre en langue anglaise consacré aux cartes que j’ai eu envie de lire. On y retrouve l’enquête de passionnés, qui essayent de retrouver grâce à ces cartes ayant émergé après la chute du mur comment les services secrets de l’URSS ont réussi à cartographier pendant plusieurs dizaines d’années les territoires du bloc de l’ouest, d’une manière précise, uniforme et rigoureuse. On découvre au cours des chapitres les erreurs ou biais de représentation qui permettent de retracer les outils : cartes civiles des pays de l’ouest, enquêtes sur place, anciennes cartes militaires allemandes, vues satellites…
How to Lie With Maps, de Mark Monmonier
En faisant l’acquisition d’un premier livre en anglais, je me suis laissé convaincre et j’ai aussi commandé un exemplaire de cette bible des étudiants anglophones en cartographie, comment mentir avec les cartes. L’ouvrage raconte par le menu la manière dont les auteurs de cartes tordent volontairement ou involontairement la réalité, pour réussir à présenter ce qui les intéresse, en utilisant ces pratiques au service du lecteur, ou au contraire pour l’influencer.
Très simple d’accès, il reprend toutes les notions élémentaires de la cartographie, et est effectivement un ouvrage très pédagogique pour le débutant.
La ville, les humains, la nature
En prolongement de la cartographie, l’un des sujets d’intérêt que j’aime à explorer est la ville, ou la manière d’habiter. Évidemment, on en arrive aussi à parler de la nature.
Les abandonnés, histoire des « cités de banlieue », de Xavier de Jarcy
En suivant le compte Mémoire2Ville, j’ai découvert au hasard d’un échange ce livr ede Xavier de Jarcy, que j’avais déjà lu avec plaisir dans Le Corbusier, un fascisme français. Dans Les abandonnés, on parcourt l’histoire de l’établissement des grands ensembles chaque chapitre égrainant une année depuis les années 30 jusqu’aux années 70, pour évoquer la politique de l’état, poussée par les hygiénistes, tiraillée entre dépenses militaires et explosion de la natalité. On y apprend que contrairement à une idée reçue, la France a bien moins construit que ses voisins allemands et anglais à la sortie de la guerre, et comment la misère du logement ultra précaire a durée de nombreuses années malgré la construction de ces grands ensembles. On apprend aussi que pour 6000 logements, il était préconisé de ne pas implanter de bar, mais qu’une église, deux écoles, voire quelques commerces étaient plutôt envisagés. On découvre aussi que dans les années 50, on estime qu’une place de stationnement pour 5 foyers est largement suffisant, et que l’on préfère économiser en infrastructure de voirie en ne construisant que quelques voies principales, et en ajoutant des voies de désertes perpendiculaires, non traversantes. L’idée d’avoir de grands espaces verts pour que les gens s’épanouissent s’effondre rapidement avec l’arrivée de l’automobile pour tous, et de l’ennui causé par le peu d’équipements financés, ces cités dortoir ne proposant aucune activité, ni accès pratique aux quartiers équipés des centre-villes…
Où sont les « gens du voyages » ? inventaire critique des aires d’accueil, de William Acker
Twitter est un outil intéressant pour suivre des initiatives, des chercheurs, des communautés que les médias ne savent pas raconter. C’est ainsi que je suis William Acker, un juriste Voyageur. Son ouvrage Où sont les « gens du voyages » ? inventaire critique des aires d’accueil est à la fois très facile à lire, mais en même temps terriblement dur par les idées qu’il développe et qu’y y sont étayées de nombreuses références et exemples concrets. On y retrouve tout le racisme d’état, des citoyens et des collectivités locales envers les Voyageurs. À lire de toute urgence pour mieux comprendre beaucoup de choses que l’on entend parfois évoqué d’une manière tellement négative et non constructive par les médias.
Du rond-point au giratoire, d’Éric Alonzo
L’année dernière, j’avais adoré lire l’architecture de la voirie d’Éric Alonzo. Je n’ai pas réussi à résister à l’envie de lire son autre titre « du rond-point au giratoire », qui s’il partage quelques exemples et références avec le volume consacré à la voirie, entre bien plus dans les détails de l’histoire de ces infrastructures de croisements. À la fois historique, politique, signe de changements sociaux et de développement des techniques modernes d’urbanisme, le giratoire est raconté et illustré avec un superbe enthousiasme par Éric Alonzo.
Revue Habitante, numéro zéro
Les gens de la revue Audimat continuent leur chemin, en proposant le numéro zéro d’une revue que j’aimerais voir naître avec plaisir. Patchwork qui regarde la ville et la manière d’habiter, parfois sous l’angle de la fiction, parfois depuis l’article sociologique ou l’essai politique, il alimente la réflexion sur la manière d’habiter.
Arbres en péril, de David Happe
J’ai dévoré en quelques jours, Arbres en péril, de David Happe, qui raconte la trépidation de l’activité humaine vue depuis le rythme des arbres. On est foudroyés par l’état des lieux proposé par l’auteur, qui permet de comprendre les conséquences de toutes ces espèces que l’on classe maintenant comme en voie de disparition.
On comprend aussi la différence entre ces arbres domestiqués que l’on duplique pour l’agrément ou la culture des arbres sauvages, qui forment des forêts à l’écosystème riche, et non reproductible autrement qu’en les laissant s’établir dans leurs espaces initiaux.
Opération vasectomie : histoire intime et politique d’une contraception au masculin, d’Élodie Serna
Dès les premières pages d’Opération vasectomie, j’ai compris combien cette technique de contraception avait une dimension politique. Tour à tour brandit par les anarchistes comme un moyen d’émancipation face aux injonctions d’un système capitaliste, étatique et nataliste, puis par les hygiénistes et eugénistes comme un outil de contrôle de la reproduction des représentants du peuple, la vasectomie est encore considérée dans de nombreux pays comme une pratique courante, au service d’une contraception consciente et réfléchie.
Ce n’est pas vraiment le cas en France, où l’on retrouve encore dans l’ignorance collective de l’après traque des anarchistes, et de la fin d’une pensée ouvertement eugéniste.
Le pain
Depuis plus d’un an, j’explore la pratique de la boulangerie au levain. J’y ai d’ailleurs consacré un blog, où j’ai récemment proposé deux articles sur des lectures qui alimentent ma pratique et réflexion.
Notre pain est politique, les blés paysans face à l’industrie boulangère
Notre pain est politique, issu d’un collectif explorant des pratiques paysannes dans la culture du blé, sa transformation en farine puis en pain, et accompagné par la revue Z. Il permet de bien comprendre la différence entre le concept flou de blés anciens, et celui des blés population. Il raconte une pratique plein d’explorations, de recherches collectives et individuelles, qui construit un chemin alternatif à l’industrie agroalimentaire. Le groupe à l’origine de ce livre se réparti sur le territoire Auvergne Rhône-Alpes, et ça donne l’envie d’aller les rencontrer…
Le traité de boulangerie au levain, de Thomas Teffri-Chambelland
Il y a un an, j’avais parcouru le traité de boulangerie au levain, mais je le trouvais un peu trop théorique et loin de ce que je comprenais du pain. Après une année de pratique, je me suis replongé dedans, et j’y ai trouvé énormément de réponses à mes interrogations, et même des réponses à des questions que je n’avais pas encore réussi à formuler.
Deux volumes que je prendrai le temps de reconsulter régulièrement, je suis convaincu que j’y trouverai régulièrement de quoi alimenter mes réflexions.
Handicap, validisme, proche aidant
Depuis quelques semaines, je publie une fois par semaine le podcast quand même pas, Papa !, où je raconte mon parcours de proche aidant, aux côtés de ma fille atteinte d’une maladie génétique dégénérative. La problématique de l’accessibilité est à la fois pour moi une question d’intérêt politique, et une problématique de recherche. Je lis donc régulièrement des livres sur la question, comme l’année dernière avec le titre je vais m’arranger.
Du handicap à l’accessibilité : vers un nouveau paradigme, de Frédéric Reichhart
Frédéric Reichhart présente dans ce livre assez technique la construction de la notion d’accessibilité dans les textes et dans la loi, en France. On découvre combien c’est à la fois une bataille de longue halène, semé de frileuses avancées légales, et souvent suivies d’aménagements pour assouplir les choses. Voilà comment cette question progresse très doucement, depuis les premières avancées liées à l’accessibilité des personnes à mobilité réduite (et la très puissante APF), jusqu’aux avancées plus récentes, permises notamment par les idées insufflées depuis les pays anglosaxons.
Des vies (presque) ordinaires, de Blandine Bricka
En échangeant autour du podcast de proche aidant que je publie, on m’a conseillé quelques lectures, comme les différents livres de Blandine Bricka. J’ai eu l’occasion d’en lire deux, construits comme des entretiens. Le premier, sous-titré « paroles d’aidants », présente une relative diversité de conditions, et raconte ces acteurs et actrices de l’ombre, parfois les seuls ponts entre les personnes en situation de handicap et le reste de la cité. Le deuxième, sous-titré « être accompagné au quotidien », présente le vécu de personnes concernées, bénéficiaires d’un accompagnement de la part de leurs proches, ou de personnes rémunérées pour cela. Une manière d’alimenter la réflexion sur ce vécu parfois complexe.